
148 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Rio de Janeiro. Ce mal contagieux occasionnoit une éruption de pustules plus larges que
Habitans Je pouce, qui se répandoient par tout le corps : il étoifréputé incurable.
Leurs autres incommodités n’avoient rien de bien digne d’être noté.
| II.
D e l ’homme vivant en famille.
Occupations. Ici", comme par-tout où les lumières de la civilisation ne sont point
venues adoucir les moeurs, la femme étoit chargée des plus constans
et des plus rudes travaux. La culture de la terre, la préparation des
alimens, la fabrication de divers ustensiles, et en voyage-le transport
du bagage, tel étoit son lot : l’homme avoit pour le sien la confection de
ses armes et de quelques ornemens de plumes ; enfin, la guerre, la chasse,
et la pêche, à laquelle souvent les femmes prenoient part.
Nourriture. La nourriture ordinaire des habitans se composoit de végétaux, de
gibier, poissons, lézards, sans en,excepter le jacaré, de crapauds et de
serpens; la chair humaine, qu’ils dévoroient à de certaines époques, étoit
plutôt pour eux un moyen d’assouvir leur vengeance qu’une nourriture
habituelle et justifiée par le besoin.
Parmi les végétaux, on doit citer le maïs et deux espèces de racines
nommées par eux maniot et aypi (i). Ils les accommodoient de plusieurs
manières, et en faisoient aussi, par une cuisson prolongée, des massettes
dures et compactes, sorte de biscuit propre à être porté à la guerre.
Rarement faisoient-ils bouillir leurs viandes : ils les préféraient rôties ;
et à cet effet, ils se servoient de grandes grilles en bois, de trois pieds en
carré, élevées d’une quantité presque égale au-dessus du sol et nommées
boucans.
Il est assez curieux de trouver dans le caouin, liqueur enivrante dont
ils étoient fort avides, de singuliers et bizarres rapports de fabrication
avec l’ava ou kava de quelques îles du grand océan. Voici, en effet,
comment ils le préparoient : après avoir coupé en tranches menues les
racines dont il est fait mention plus haut, on les faisoit bouillir dans de
( i ) Ces racines sont l’une et l’autre des variétés du manioc.
LIVRE I . er — D e F r a n c e a u B r é s i l in c lu s i v e m e n t . i 49
grands vases de terre, jusqu’à ce qu’elles fussent ramollies ; des femmes
prenoient ensuite successivement ces rouelles , les mâchoiént (1), et les
plaçoient dans d’autres vaisseaux, où elles les faisoient bouillir de nouveau
jusqu’à suffisante cuisson. On versoit enfin le tout dans de vastes terrines,
où, après l’avoir laissé cuver un temps convenable, on le conservoit pour
la consommation.
Un semblable breuvage, et par les mêmes procédés, se faisoit aussi
avec la graine de maïs.
Pendant leurs fêtes, les sauvages en buvoient des quantités presque incroyables;
«et de fait ie les ay veu, dit de Léry, non-seulement trois
» iours et trois nuicts sans cesser de boire, mais aussi après qu’ils estoyent
>* si saouls et si yures, qu’ils n’en pouuoyent plus (d’autant que quitter
» le ieu eust été pour estre réputé effeminé et plus que schelm entre les
» Allemans ), quand ils auoyent rendus leur gorge c’estoit à recom-
» mencer plus be(fe que deuant. »
Quoique hommes et femmes allassent habituellement nus, cependant
les premiers portoient, les jours de cérémonies et de combat, certains
ornemens de plumes, tels que robes, bonnets, bracelets, &c., arrangés
avec beaucoup d’art. Les femmes avoient au contraire une aversion particulière
pour toute espèce devêtemens, singularité qui a paru inexplicable.
L’un et l’autre sexe s’épiloient toutes les parties du corps, jusqu’aux paupières
et aux sourcils, les cheveux exceptés toutefois ; mais dès leur plus
jeune âge, les hommes se faisoient tondre le bas et tout le tour de la
tête, en sorte qu’il ne restoit sur le sommet qu’une calote de cheveux
qu’on laissoit pendre un peu en arrière. Parfois ils y lioient des ailes
d’oiseaux de diverses couleurs, ou la partie jaune de la peau du toucan,
collée de part et d’autre au-dessus des oreilles.
Un usage général chez les hommes étoit de se percer la lèvre inférieure,
et quelquefois aussi, mais rarement, les joues. Dans leur jeunesse
ils y mettoient des os blancs polis, taillés en rond; dans l’adolescence, des
pierres vertes (2) de même forme.
( 1 ) De Léry et ses compagnons ont essayé de faire du caouin, en pilant les racines au lieu
de les mâcher, et n’ont jamais pu réussir.
(2) Espèces d’émeraudes.
Habitans
primitifs.
Vêtemens,
parures.