
Solor, ni les autres îles qui en sont voisines, ne purent en obtenir, malgré
les demandes réitérées qu’elles en firent; déjà, en 17 9 2 , il n’y en avoit
plus que huit (1) à Timor, et ce nombre a diminué encore.
Le commerce portugais souffrit beaucoup de ce nouvel état de
choses; car les Timoriens, accoutumés à faire leur trafic au moyen des
échanges, n’ayant plus chez eux de missionnaires qui les engageassent
à transporter leurs denrées à Dillé, préférèrent de les conduire aux points
de la côte les plus voisins, où les navires macassarais et hollandais
venoient souvent en demander : ces derniers même , profitant du défaut
d’embarcations qui empêchoit les Portugais de faire le cabotage le long
des côtes de l’île, finirent par s’en approprier en grande partie l’exploitation
; enfin, comme si tout eût dû concourir à froisser les colons, leur
gouverneur, D. Caetano de Lemos, eut la folle politique de faire supprimer
les petites barques dont les missionnaires se servoient pour aller,
d’une île à l’autre, vaquer à leur saint ministère. Les Hollandais surent
tirer avantage de toutes ces fautes pour accroître et consolider leur
puissance {2). ¡¿j
L ’établissement de Coupang, devenu progressivement ainsi le centre
d opérations considérables, finit par acquérir une grande prépondérance
commerciale. Les Hollandais, il est vrai, n’avoient pas à Timor un aussi
grand nombre de royaumes tributaires que les Portugais ; mais ils y
comptaient sous leur dépendance quelques-uns des territoires les plus
productifs, et au-dehors plusieurs îles importantes, entre autres Simao,
Rottie, Savu, et une partie de Solor même, qui leur apportoient régulièrement
leurs denrées. Coupang néanmoins devoit avoir aussi ses tribulations
: en 179 3 , elle fut tourmentée par un fort tremblement de terre,
qui y détruisit les principaux édifices. Quatre ans après , et par suite
des guerres allumées en Europe, les Anglais, avec deux brigs, parurent
devant le fort Concordia, et le sommèrent de se rendre : le gouverneur
ne fit pas le moindre simulacre de défense ; et, chose remarquable, la
garnison hollandaise étant passée toute entière au service des Anglais,
( 1) D’après un calcul approximatif, il ne devoit pas y en avoir moins de soixante-dix
en 1772.
(2 ) A. Balbi, manuscrit cité.
LIVRE II. — Do B r é s i l à T im o r in c l u s iv e m e n t . 5 3 7
ne fit que changer de drapeau, et continua son service comme auparavant.
Mais les Anglais ayant voulu, dit-on (1), traiter le pays comme s’il
eût été conquis par la force des armes, les habitans se réunirent, marchèrent
contre eux, et les obligèrent à se rembarquer, après leur avoir
tué soixante-dix hommes : les Hollandais furent aussitôt rappelés.
Timor, depuis , restoit paisiblement partagé entre ces derniers et leurs
anciens compétiteurs , quand bientôt des divisions intestines firent naître
de vives alarmes dans la colonie de Coupang.
-En 18 0 8 , le raja Louis d’Amanoubang, chef d’un des plus puissans et
des plus riches royaumes (2) soumis aux Hollandais, lassé de la domination
tyrannique qui pesoit sur lui et les siens, leva l’étendard de l’indépendance.
Son éducation avoit été commencée à Coupang, où il avoit
été baptisé; mais c’est à Batavia même qu’il étoit ailé chercher un supplément
de connoissances que son activité naturelle lui faisoit desirer, et
qui devoit un jour devenir si préjudiciable aux oppresseurs de son pays.
Cet acte d’insurrection fut appuyé par tous les moyens capables d’en
assurer la réussite : le raja arma une grande partie de ses sujets de sagaies,
de sabres , de haches d’armes et de fusils ; il équipa un corps de cavalerie,
peu nombreux à la vérité, mais formidable pour le pays, et construisit
trois forts afin de protéger ses frontières. Les Hollandais ne se mirent
point d’abord en mesure de réprimer par la force ces symptômes de rébellion
; ils espéraient sans doute que des négociations et les armes paisibles
de la diplomatie suffiraient pour en arrêter les suites : mais l’audace
du raja ne fit que s’accroître par ces lenteurs.
Sur ces entrefaites, un événement inattendu vint renverser dans cette
île , pour un temps du moins, l’autorité hollandaise. En 18 1 o , une
frégate anglaise prit et pilla Coupang, à la faveur de la nuit ; mais les
vainqtieurs voulant agir encore comme l’avoient fait leurs compatriotes
en 179 7 , ils eurent le même sort: les habitans, réunis cette fois par le
gouverneur, reprirent la ville et les chassèrent. Ce succès toutefois ne
fut que momentané : par suite de la révolution qui avoit incorporé la
( 1.) Péron, Voyage aux Terres australes.
)2) Le royaume d’Amanoubang est un de ceux de Timor où le bois de sandal croît en plus
grande abondance.
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