
Education.
D’après ce que nous avons dit de l’affection des dames créoles pour
leurs enfans, on a dû pressentir que les Soins les plus minutieux leur sont
journellement prodigués dès leur plus tendre enfance : on s’occupe en effet,
là plus quailleurs, de ces intéressans rejetons. Aucune espèce d’entraves
n’empêche leur constitution physique de se développer avec une entière
liberté, sous la surveillance immédiate d’une négresse chargée d’éloigner
d’eux tout danger. Pendant iong-temp's l’éducation d’un créole ne consista
guère qu’à favoriser par l’exercice lé déploiement de cette souplesse et de
cette- agilité qui sont pour la plupart comme un don de la nature : dès
qu’il savoit tirer un coup de fusil, dompter un cheval, il se croyoit assez
instruit. Ceux-là seulement que l’on envoyoit en France pouvoient perdre
dans les sociétés de la métropole leurs manières un peu agrestes, et
revenir dans leur patrie avec quelques connoissances et des ta! en s. Mais
depuis plusieurs années, les moyens d’éducation se sont fort multipliés
dans la colonie, et déjà l’on en éprouve de salutaires effets.
Plusieurs collèges particuliers y avoient été établis avec plus bu moins
de succès ( i ) , lorsque l’assemblée coloniale, sentant le besoin d’une
institution permanente, fonda , le 13 mai i y p p , un établissement d’instruction
publique sous la dénomination d’Ecole centrale; M. le général
Decaen , gouverneur de l’île , la réorganisa plus tard sous le nom de
Lycée;-enfin cette institution , modifiée de nouveau par M. le gouverneur
Farquhâr, le 3 o avril 18 1 1 , reçut définitivement celui de Collège polonial,
et resta sous la protection du Gouvernement. Seize professeurs y sont
entretenus, fant pour l’enseignement des sciences que pour celui des
belles-lettres et des arts libéraux : chaque professeur reçoit 30 piastres
[ 162 ,poc J par mois, et le proviseur 150 [8r4f,50c].
L’ensemble des bâtimens de ce collège est entouré d’une muraille
élevéè : dans l’enceinte, on distingue d’abord le bâtiment principal, où se
font les classes et où couchent les élèves-; à côté se trouvent disséminés
çà et là’ plusieurs bâtimens secondaires , destinés les uns au logement
du proviseur et dés professeurs, les autres aux cuisines , à la lingerie,
au réfectoire, &c. &c. De cette multiplicité dé bâtimens, résulte sur-tout
(l) Je dois la substance de ces détails à l’obligeance de M. le proviseur J . Coudray; les
réflexions m’appartiennent.
la difficulté d’une surveillance efficace sur les élèves. Au surplus, l’espace
entre ces constructions étant fort grand, et l’emplacement dans une position
favorable, l’air y arrive de tout côté et y circule librement.
En juin 1 818, il y avoit deux cent cinquante élèves à ce collège,
savoir, cent pensionnaires où demi - pensioftnaires, et cent cinquante
externes : vingt-cinq des premiers étoient élevés aux frais du Gouvernement.
;Le prix pour les pensionnaires est de 20 piastres [ 108 ,00e ] par
mois; pour les demi-pensionnaires, de 13 piastres [ 7 ° f,5\9CÏ1; et Pour ^es
externes, de 5 1 5° ! : ces derniers ne prennent aucun repas au
collège; les pensionnaires en font : quatre, et les demi - pensionnaires
deux seulement. La recette moyenne annuelle est de 3 2000 piastres
! ,7 3 - ù o f ]. .-irnu,:
Sur deux cent cinquante élèves; :on compte d ordinaire que cent travaillent
bien; un nombre .égal i médiocrement ; tandis que cinquante se
montrent fainéans ou-inappliqués;-n. WH P * P . «¿L.
Les enfans créoles sont pour la plupart fort doux, faciles a conduire,
mais enclins à la paresse : quoiqu’ils aient beaucoup de vanité, l’aiguillon
de i’amour-propre s’émousse promptement en eux ; leur esprit ne sauroit
se plier qu’avec peine à cette persévérance qui annonce et qui développe
les qualités supérieures. Combien on regrette aussi de les voir presque
toujours dépourvus de cette innocence qui a tant de charmes, dans le
jeune âge! Eh! comment conserveroient-iis de la pudeur, ceux qui sont
sans cesse en contact dès le berceau avec des esclaves corrompus l
Les parens secondent en général fort mal . les maîtres : souvent ils
viennent soustraire leurs enfens à de justes punitions, ou bien sollicitent
de fréquens congés qui interrompent le cours de leurs études ; et il en
est plus d’un qui, dans la dissipation de ues vacances longues et reitei ées,
oublient tout-à-fait ce qu’ils ont appris.
Une chose très-contraire; au maintien de l’ordre, des bonnes études
et des bonnes moeurs, c’est de laisser les enfans externes et les pensionnaires
en congé , se rendre au collège sans être accompagnés par
personne qui puisse veiller sur eux : le moindre inconvénient qui en
résulte, c’est de les voir arriver an milieu et quelquefois à la fin des leçons>
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