
Habitans
indigènes
actuels.
engagea, par des présens, quelques-uns d’entre eux à sortir de leurs forêts;
et, après les avoir mêlés avec des hommes civilisés, on lès conduisit à
Villarica. Beaucoup de maladies furent pour eux la première conséquence
de ce changement de climat et de nourriture. Ensuite, la junte
avoit recommandé de ne pas diviser les familles; tout le contraire eut
lieu : les enfans furent placés chez des habitans riches de la ville ; mais
aucun de ceux-ci ne voulant recevoir d’indiens adultes, on prit le parti
de faire entrer ces derniers séparément chez des-gens pauvres, qui ne les
reçurent que dans l’espoir d’avoir ainsi des esclaves à bon marché. La tristesse
et le désespoir s’emparèrent bientôt de ces malheureux Puris : les
mauvais traitemens , et un travail forcé auquel ils netoient pas accoutumés
, les accablèrent, et la plupart moururent de chagrin ; d’autres se
sauvèrent dans les forêts, où d’impitoyables soldats eurent la cruauté de
leur donner la chasse comme à des bêtes fauves. Peu de ces Indiens
eurent le bonheur de regagner le sol natal, pour raconter à leurs compatriotes
les indignités dont ils avoient eu à souffrir. Leur premier acte
de vengeance fut de massacrer le directeur, qui le premier les avoit
excités à quitter leur pays ; des plantations florissantes furent détruites,
et, après avoir encore sacrifié plusieurs autres victimes à leur rage ,
un très-grand nombre d’entre eux retournèrent dans les bois. »
Plus récemment quelques Puris ont été réunis sous les ordres d’un
certain capitaine Marlier, nommé par la junte pour être un des directeurs
: cet officier a de bonnes intentions et a conçu des espérances d’amélioration
; mais n est-il pas à craindre que des hommes moins probes et
moins bienveillans ne lui succèdent et ne renversent promptement ce
frêle édifice élevé à l’humanité ?
Par-tout les divisions de soldats chargés de la garde dès propriétés
coloniales exercent les plus grandes cruautés envers les Puris : on les
guette comme des singes ou des perroquets, et l’on tire sur eux sans
pitié lorsqu’ils dérobent quelques épis de maïs dans les plantations.
Eschewege rapporte (1) que des soldats, après avoir tué ainsi quelques
femmes, poussèrent la barbarie jusqu’à vouloir faire périr par le feu un
enfant qu’elles portoient; une jeune Portugaise, témoin de cette scène
( I ) Journal von Brazilien.
LIVRE I.cr — De F r a n c e a u B r é s i l i n c l u s i v e m e n t . 3 39
et épouvantée du sacrifice atroce qui ailoit la terminer, supplia quon
lui permît de se charger de ce petit malheureux, et elle ne l’obtint
qu’en payant une somme de 4800 reist^ 30 francs ]. Ces bandits , indignes
du nom de militaires, se livrent sans cesse a un trafic aussi infâme;
et de pareils attentats, dont la connoissance échappe sans doute à 1 autorité,
restent impunis.
Des combinaisons non moins révoltantes ont eu lieu plusieurs fois
dans le dessein de détruire en masse une grande quantité de Puris. Un
riche propriétaire, dont l’habitation étoit peu éloignée du lieu où ces
Indiens s’étoient récemment établis , proposa a un de leurs directeurs de
faire mêler du vert-de-gris dans leur nourriture, afin de s en debarrasser
pour toujours. Le directeur d’un autre district pensoit que le moyen le
plus sûr d’anéantir tout-à-coup ces sauvages, étoit d’introduire chez eux la
petite vérole (1), maladie, comme on sait , presque toujours mortelle
pour les hommes de couleur !
Nous ne multiplierons pas davantage ces détails, affligeans à-la-fois sous
les rapports religieux et politiques ; il suffit d’avoir montré le terme
déplorable auquel ont dû conduire les fausses mesures que nous avons,
signalées.
Jadis la population indigène de la province de Rio de Janeiro étoit
nombreuse et puissante ; les premiers voyageurs qui ont abordé sur cette
terre l’affirment expressément (2), et l’histoire rapporte des faits qui
viennent à l’appui de cette assertion. On sait que la ville de Rio de
Janeiro fut bâtie, sous la direction des jésuites, par des Indiens convertis
(3); que la tribu des Tupinambas pouvoit mettre sur pied des
armées de huit à dix mille hommes (4), et celle des Tamoyos , des
flottes portant de deux à trois mille guerriers (5); que , dans une
seule bataille, cette dernière peuplade perdit dix mille combattans (6) ;
enfin que les Goytacazes étoient assez nombreux pour résister aux
( i ) Journal von Brazilien,
(2) Voyez le Voyage de Jean de Léry, et plus haut, pag. iyi,
(3) Voyez plus haut, pag. 48.
(3) Ibid, pag. 158.
(4) Ibid. pag. 150.
• (6) Ibid, pag. f | |
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Habitans
indigènes
actuels.