
De I’hoifrme
en société.
pi Caractère
et moeurs
des habitans.
l’on peut dire, à ia rigueur, qué chaque royaume a le sien (1) : quelques-
uns, dit-on, diffèrent beaucoup entre eux. Nous ne nous étendrons pas
davantage ici sur ce sujet.
Qualités morales des Timoriens. — Bons, craintifs et hospitaliers,
quoique voisins inquiets et turbulens, tel est le caractère des habitans
de l’intérieur de l’île , à l’exception toutefois de ceux de la partie
orientale, et probablement encore des montagnards du centre et du
Sud-Ouest, qui sont réputés médians et peu sociables. Lé Timorien est
au reste barbare dans ses inimitiés; trompeur habile à la guerre, quoique
en général il aime la vérité. « Son courage consiste plutôt à souffrir avec
patience qu’à braver le danger. Mais le1 désir de la vengeance, passion
innée chez tous les hommes, et qu’une civilisation perfectionnée peut
seule affoiblir, est le trait le plus saillant du caractère de ces insulaires.
A peine sont-ils capables de pardonner une injure, et le ressentiment
qu’ils en nourrissent est toujours de longue durée. Dans un état de
société où il n’existe aucune administration régulière de la justice,
où la sauve-garde de ia v ie , de la propriété, de l’honneur même
de chaque homme, dépend à un haut degré de son propre bras,
nous hésiterions presque à prononcer si cette passion est une vertu ou
un vice; en effet, sans ce moyen naturel de répression, cette société ne
pourrait pas subsister. Toutes les tribus du grand archipel d’Asie, sans
exception, sont plus ou moins dominées par ce penchant funeste (2). »
Leur jugement est sain, quoique borné, et leur intelligence remarquable.
Le jeune Timorien ( pl. 3 1 ) que le gouverneur de Dillé me
força d’embarquer avec moi, avoit environ huit ans lorsqu’il vint à bord
de ï Uranie ; il n’entendoit alors pas un mot de français, ni de portugais
, ni même de malais. Il s’accoutuma promptement à la vie du vaisseau
, et témoigna peu de regret de quitter son pays. Il montrait le plus
grand zèle pour apprendre à servir, et il y arriva très-vîte. La facilité avec
laquelle il parvint à parler français est surprenante; mais il oublia sa langue
maternelle avec non moins de promptitude, ce qui est peut-être plus
surprenant encore. Ses dispositions pour-les arts d’imitation étoient pro-
( i ) Le capitaine Dampier avoit déjà fait la même remarque.
(2 } Voyez Crawfurd, op. cit. 1 . 1.
LIVRE' II. — Du B r é s i l à T im o r in c l u s iv e m e n t . ¿ 3 3
digieuses ; on lui montra à écrire en quelques jours, et il eût pu devenir un
excellent dessinateur. Malheureusement, dès qu’il fut en France, des
gens fort empressésr et qui, j’imagine, ne sentoient par 1a portée du
mal qu’ils faisoient, lui firent comprendre qu’étant libre. r il pouvoit à son
gré faire tout ce qui lui passerait par la tête. Sa mort, en le préservant
de bien des fautes , m’a épargné à moi d’affligeantes contrariétés.
Qualités morales des Malais. — Le Malais de Coupang est méfiant,
courageux, guerrier intrépide et féroce ; fort attaché à ses usages, il
supporteroit difficilement un maître qui forcerait ses. habitudes et
ferait peser sur lui un joug trop lourd à supporter ; mais paresseux et
sans ambition, il s’est facilement plié au joug des Hollandais , qui
n’exigent de lui ni impôt direct,, ni corvée. La nonchalance et presque
la haine du travail, l’amour de la vengeance, la cruauté poussée parfois
jusqu’à l’anthropophagie (1), un fort penchant au vol, sont les traits
les plus caractéristiques de leur naturel, j « Lorsqu’ils ne peuvent
atteindre leur ennemi le jour, ils lui portent souvent des coups dans
l’ombre et à la dérobée. Nous avons vu, à Coupang, un enfant de treize
à quatorze ans ne pas prendre ces dernières précautions, et plonger le
couteau qu’il portoit- à son côté dans It* sein d’un homme qui le me-
naçoit ( voyei pl. 21). Ces sortes de crimes ne peuvent être jugés qu’à
Batavia, où l’on envoie le coupable. » (M . Quoy.)
» Quant aux qualités de l’esprit, dit M. Pellion, les Malais m’ont
paru posséder une finesse de jugement et de conception qui m’a surpris,
dans quelques circonstances où j’ai été en position de les étudier. »
Peu portés en général aux plaisirs de l’amour, ils le sont fortement
à la jalousie : les Mahométans sur-tout. Aussi est-il fort difficile d’être
admis à la société des femmes ; c’est au moins ce que MM. Duperrey
et Paquet ont remarqué.
Qualités morales 'des Chinois. — De tous les peuples étrangers, les
Chinois sont ceux qui se sont établis en plus grand nombre dans l’archipel
d’Asie; ce qui doit s’entendre des hommes seulement, puisque,
d’après les lois de la Chine, il est défendu aux femmes d’émigrer. « Ces
De l’homme
en société.
( 1 ) Voyez Péron, Voy. aux Terr. australes, 1 .1, 2.® édition.
Lin*