
Objet
du voyage ;
préparatifs
et départ.
quelques minutes suffisent en effet, à l’aide de celle-ci, pour opérer la
dissolution de la gélatine’ : mais nous n’avions point cet appareil à bord.
M. d’Arcet s’est assuré que le biscuit qui contient ï o parties sur ï oo
de gélatine, est moins attaquable par les vers et se conserve mieux que
le biscuit ordinaire : il se gonfle lorsqu’on le plonge dans l’eau, et se réduit
en une espèce de bouillie qui, salée et aromatisée convenablement avec
des sucs épaissis de légumes, donnerait une soupe propre à lester l’estomac
et très-nutritive. Mais pour qu’il fût agréable au goût et se broyât
facilement, il ne faudroit pas que le biscuit destiné à être mangé sec
contînt plus de y pour 10 0 de gélatine. Je pense que l’usage en seroit
en mer extrêmement favorable à la santé des marins, et peut-être est-
on en droit de s’étonner que cette amélioration importante dans leur
nourriture n’ait point encore eu lieu généralement (ï).
Chacun sait avec quelle facilité et quelle économie on peut, avec de la
gélatine, faire des gelées aussi agréables que nourrissantes , en y ajoutant
du sucre, du rum, des essences de citron, d’orange, du jus de groseille
, et tant d’autres substances analogues dont il seroit superflu de
présenter ici la nomenclature ; non-seulement la table des officiers à bord
peut en être ornée, mais les malades, et l’équipage même parfois, devraient
en recevoir, je ne dis pas pour flatter leur goût, mais comme
un préservatif contre des maladies trop fréquentes et dont il seroit si
facile de diminuer l’invasion et les ravages.
L’emploi des substances alimentaires-conservées par la méthode de
M. Appert n’est ni moins important, ni moins utile. Elles consistent
dans de la viande, des légumes, du poisson, du lait, des fruits, conservés
par une méthode infaillible, soit dans des vases en fer-blanc ou en
tôle étamée , soit dans des bouteilles en verre, et qui peuvent, sans aucun
condiment, subsister sans altération pendant un nombre d’années indéterminé.
Mon état-major et moi nous en embarquâmes une ample provision ;
et après trente-huit mois de navigation, après avoir éprouvé d’extrêmes
(r) ,Le bas prix de la gélatine, et ses avantages nombreux et incontestables dans le régim.e
alimentairè, devroient être des motifs.suffisanspour en faire adopter universellement l'usage:
en effet, 100 livres ou 50 kilogrammes de gélatine ,'équivalant, pour la nourriture, à 2400 livres
de viande de boeuf, ne coûtent que 240 francs.
LIVRE I.w — De F r a n c e a u B r é s i l in c l u s iv e m e n t . 9
variations d'e température : j’en avois encore, au retour, dans un état de
conservation qui ne laissoit rien a desirer.
Précédemment, on se bornoit à embarquer des provisions végétales
fraîches, pour les premiers jours du voyage; ce que l’extrême humidité
de la mer ne détérioroit pas étoit bientôt consommé. Les bestiaux vivans
se conservoient davantage, il est vrai: mais quel encombrement ne cau-
soient-ils pas à bord ! quelle énorme quantité d’eau, de fourrage, de grains,
?ie falloit-il pas pour les nourrir ! d’ailleurs, quelle source de malpropreté
et d’infection sur le vaisseau! Et malgré tant d’inconvéniens graves,
étoit-on bien assuré encore des avantages sur lesquels on avoit compte?
Non : il n’étoit pas rare qu’un fatal coup de vent détruisit ces ressources
¡éphémères ; ou si quelques bestiaux échappoient a la mort, frappes bientôt
de maladies, réduits à une sorte de marasme, ils netoient propres alors,
loin de fournir une substance alimentaire sajubre, qu a porter dans le
sang les germes de la putridité;
En considérant que les préparations Appert ne contiennent d un animal
que les parties mangeables, que tout en est cuit, assaisonné d’avance et
réduit par conséquent à un fort petit espace, il est impossible de ne pas
en reconnoître l’immense supériorité. Cette méthode de conservation,
extrêmement précieuse pour les hommes de mer, leur permet d’ailleurs
d’avoir à bord, et sans encombrement, des vivres frais à toutes les
époques de la plus longue navigation, tandis que, par l’ancien procédé,
il seroit difficile I même avec des attentions infinies, de rien garder de
ce genre au-delà de trois mois. Si les substances Appert revenoient a un
prix considérable, on pourrait concevoir le motif qui fait hésiter tant de
marins à en adopter l’usage; mais il est facile, au contraire, de. se convaincre
par le calcul qu’elles offrent une économie notable, comparativement
au prix des salaisons (1).
« Si l’on joint à l’emploi de la gélatine, dit M. M ich e lo tle s alimens
» ' conservés par la méthode Appert, et la machine à distiller l’eau de mer,
» il est hors de doute que les marins peuvent avoir , pendant les plus longs
» voyages, une nourriture saine et agréable; » et je suis parfaitement de
Qbjer
du voyage
préparatifs
et départ.
(1) Voici un aperçu de ce que coûteraient dix moutons, après deux mois.de navigation,
Voyage de l’Uranie. — Historique. g