
Colonie portug.
Au nombre des horlogers français et anglais qui se sont établis à Rio
de Janeiro , ii„en est dont l’habileté est recommandable. Je citerai,
parmi les premiers, M. Triquet, qui, s’étant chargé de nettoyer une des
montres marines de Berthoud embarquées sur /a Physicienne, s’en acquitta
fort bien : ce chronomètre ensuite se comporta jusqu’en France
avec une grande régularité.
De tous les arts d’agrément cultivés par les Brésiliens et les Portugais ,
la musique est celui qui a pour eux le plus d’attraits, et dans lequel aussi
ils réussissent le mieux. Nous avons entendu souvent avec admiration la
musique de la chapelle royale, dont presque tous les artistes étoient
nègres, et dont l’exécution ne iaissoit rien à desirer. Un célèbre compositeur,
Marcos Antonio Portugal, venu de Lisbonne avec le roi, étoit
le surintendant de cette institution musicale, qui lui doit, ainsi qu’à un
Allemand, M. Neucum, aujourd’hui à Paris, les ouvrages les plus distingués
de son répertoire.
On citoit encore quelques compositeurs de moindre force, entre
autres un mulâtre, l’abbé José Mauricio, qui a du mérite. Mais pour
l’exécution, rien ne m’a paru plus étonnant que le rare talent, sur la
guitare, d’un autre mulâtre de Rio de Janeiro, nommé Joachim Manoel.
Sous ses doigts, cet instrument avoit un charme inexprimable, que
je n’ai jamais retrouvé chez nos guitaristes européens les plus distingués.
Le même musicien est aussi auteur de plusieurs modinhas, espèces de
romances fort agréables, dont M. Neucum a publié un recueil à Paris.
Nous avons entendu parler souvent d’une école de musique destinée
particulièrement à former des nègres dans la pratique des instrumens et
du chant, et à laquelle S. A. R . , aujourd’hui empereur du Brésil, qui
a cultivé lui-même cet art avec de grands succès, accordoit une protection
spéciale. Cette institution, assure M. A. Balbi (1), ainsi que toutes
celles qui, établies au Brésil avant l’arrivée du roi, se rattachent à la civilisation
et à l’instruction du peuple, est due aux jésuites. La ferme de
Santa-Cruz, qui leur appartenoit, devint, à la suppression de cet ordre
célèbre, propriété de la couronne. Heureusement l’école dont il s’agit
ne fut pas détruite. La première fois que le roi et sa cour entendirent la
(1) Essai statistique sur le royaume de Portugal et d’Algarve, tom. I I , pag. CÇXIII.
LIVRE I.er — Du F r a n c e a u B r é s i l in c l u s i v e m e n t . 2 17
messe à cette maison royale, ils furent étonnés de la perfection avec Rio de Janeiro,
laquelle des nègres des deux sexes en exécutèrent la musique, tant vo- istorique.
cale qu’instrumentale. Sa Majesté, frappée des avantages qu’elle pouvoit ^ g
retirer de cet établissement, y augmenta les moyens d’instruction, tant
littéraire que musicale ; et l’on vit bientôt sortir dé cette école, des chanteurs
et des joueurs d’instrumens très-habiles et dignes de figurer parmi
les musiciens de la chapelle royale. On cite sur-tout deux négresses qui,
par la beauté de leur voix, l’art et l’expression de leur chant, pourroient
soutenir la lutte avec les premières virtuoses de l’Europe.
L’art de la danse est peu cultivé à Rio de Janeiro, quoiqu’il y ait, à ce
qu’on assure, quelques maîtres français assez bons. Les danses du pays
ont un caractère particulier que nous avons fait connoître ailleurs, et
auquel les principes de notre chorégraphie sont presque entièrement
étrangers.
Il n’entre guère non plus dans l’éducation des Brésiliens d’apprendre
l’escrime : un Français ayant jugé à propos d’ouvrir une école de ce
genre, n’a pas du tout réussi.
: §. V.
Industrie agricole et manufacturière.
Plusieurs causes importantes se sont opposées jusqu’ici et s’opposeront Agriculture,
encore long-temps à ce que la province de Rio de Janeiro soit bien cultivée.
On doit mettre au premier rang l’ignorance où sont presque tous
les Brésiliens des vrais principes de l’agriculture ; leur aversion pour tout
ce qui donne de la peine, exige des soins ou seulement-une surveillance
assidue; le mauvais état des chemins, quelquefois même leur manque
total, et par conséquent de grandes difficultés pour la circulation des
produits ; la nécessité d’abandonner les travaux des'champs à des nègres
aussi indolens et moins éclairés encore que leurs maîtres; enfin la répartition
d’un sol d’une vaste étendue entre un petit nombre de proprié-
taires insoucians.
« Les concessions immenses de terrains favorablement situés , dit
M. Quoy, que certaines personnes ont obtenues du roi dans l’origine,
Voyage d e l’Uranie. — Historique. p g *