
Rio de Janeiro.
Description.
Colonie portug.
Caractère
et moeurs
des habitans.
peste publique : deux rues particulières leur sont même affectées dans
le voisinage du Campo de Santa-Anna; elles portent le noni de rua et
de travessa dos Ciganos ( voy. pl. 3 ).
Spirituel, bienfaisant, jaloux, sensuel et orgueilleux, tels sont les
traits les plus saillans du caractère de l’habitant de Rio de Janeiro.
Chez les gens de basse extraction, et ceux de la classe moyenne qui,
malheureusement en fort grand nombre, ont été mal élevés, l’ignorance
présomptueuse, le goût de la paresse, l’esprit de vengeance, la cupidité
et le libertinage sont les vices dominans. Parmi les personnes du haut
rang> on en compte de fort respectables et de fort instruites, notamment
en littérature et en mathématiques.
Envieux à l’excès des talens des étrangers, la plupart des habitans
de Rio de Janeiro saisissent volontiers les occasions qui se présentent
de leur témoigner, par toute sorte de tracasseries, les sentimens de
malveillance dont ils sont animés contre eux.
Dans les relations d’intimité, auxquelles les étrangers sont très-difficilement
admis., du moins à la ville, les créoles brésiliens se montrent,
en général, d’un caractère doux et sociable, quoique amis un peu incons-
tans. Iis sont fort attachés à leur famille , éminemment charitables
et hospitaliers ; mais , à côté de ces vertus , on trouve des exemples
monstrueux et révoltans en sens contraire.
« Les nègres affranchis ressemblent ici, sous beaucoup de rapports,
dit M. Gabert, aux juifs de l’Europe; ils trafiquent, trompent, s’enrichissent
comme eux, et la plupart affectent un luxe qui éclipse quelquefois
celui de leurs premiers -maîtres. »
L’oisiveté entraîne souvent les personnes riches aux turpitudes et
aux excès d’un libertinage effréné, auquel un tempérament ardent et
une nourriture excitante ne les rendent que trop enclins. Dans les orgies
qu’ils aiment et recherchent avec fureur, il n’y a plus pour eux ni âge,
ni sexe, ni caractère: de telles gens, on le conçoit, doivent préférer la
mauvaise compagnie à la bonne.
En général, les femmes se conduisent beaucoup mieux, quoiqu’il
y ait cependant parmi elles de nombreux exemples de dépravation.
L’appétence pour les plaisirs des sens, très-précoce chez les jeunes gens,
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leur donne, dans la bonne compagnie, un maintien timide et embarrasse.
La même timidité, le même embarras, se remarquent chez les "demoiselles;
mais on doit l’imputer au peu d’habitude qu’elles ont de vivre
dans le monde.
L’espèce de réclusion dans laquelle elles sont tenues fait que rarement
un homme trouve l’occasion de parler à la personne dont il recherche
l’alliance, avant de l’avoir demandée en mariage. Lorsque les parens de
la jeune fille ne sont pas trop sévères, il peut parfois causer avec elle,
mais toujours en leur présence. « C’est sur-tout aux églises, dit M. Gabert,
que l’amour s’insinue le plus facilement auprès des dames et agit
avec plus de mystère. Le théâtre leur offre moins de liberté, parce
quêtant renfermées dans une loge avec leur famille, nulle personne
étrangère à celle-ci ne peut, sous aucun prétexte, y être admise : les
jeunes amans n’ont alors que leurs seuls yeux pour interprètes. »
« Les mariages, selon M. Gaimard, ont lieu le plus ordinairement à
quinze ans pour les hommes et à treize pour les femmes. Ces dernières,
par conséquent, deviennent mères de fort bonne heure ; mais elles
perdent prématurément aussi cette noble prérogative de leur sexe : semblables
à ces arbres que l’avare jardinier force par des moyens factices
à produire leurs fruits avant la saison fixée par la nature, et qui, bientôt
épuisés, finissent par demeurer stériles.
» Si l’un des époux se rendoit coupable d’un crime (L’état, d’un
adultère, &c., le divorce pourroit avoir lieu. D’après, les lois, la polygamie
seroit punie de l’exil ; mais on n’en cite aucun exemple au Brésil,
où, par suite du débordement des moeurs, chaque homme est libre
d’avoir autant d’esclaves et de concubines que bon lui semble.
» Les incestes sont assez rares; mais, au rapport du père San-Payo,
les adultères sont fréquens.
» On compte dans ia ville un fort grand nombre de filles publiques;
ce sont, pour la majeure partie, des personnes de couleur libres. Un
costume particulier les distingue : ordinairement elles sortent vêtues de
noir, enveloppées d’un manteau noir aussi, et se font suivre d’un ou
de plusieurs esclaves, selon l’état de leurs finances. Les femmes entretenues
n’y sont pas moins multipliées ; il en est même que des person-
Colonie portug.