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Population,
Moeurs, &c.
Réflexions
sur
les mu
398 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
de la ville. Les robes les' plus, élégantes, les plus beaux cachemires, y
paroissent en grand nombre; et souvent une mulâtresse a acheté sans
hésiter une parure dont les dames blanches avoient trouvé le prix trop élevé.
Dans les bals des mulâtresses libres, les blancs seuls sont admis
comme danseurs et comme spectateurs, tandis que leurs frères, leurs
époux et leurs parens de toutes les classes n’y peuvent assister. Plusieurs
de ces Ninons parlent la langue française et l’écrivent même avec pureté.
Quelques-unes, depuis la conquête de l’île, ont appris l’anglais, et
s énoncent facilement dans cette langue. La guitare est leur instrument
favori, et l’on compte bien peu de pianos ou de harpes dans leur camp.
Elles chantent généralement assez bien ; mais la danse est l’art où elles
excellent, et l’on en a vu qui , formées par des maîtres plus habiles,
eussent paru sans désavantage auprès des premières danseuses de l’Opéra.
Les noirs libres, de leur côté, réussissent généralement bien à jouer du
violon. II en est peu qui ne jouent par routine ; mais ils retiennent avec
une facilité merveilleuse tous les airs qu’ils entendent, et les exécutent
avec une exactitude et une précision remarquables. Ils composent eux-
mêmes des contredanses et des valses charmantes, ou varient celles des
compositeurs français avec beaucoup de goût. Leurs plus mauvais râcleurs
manquent rarement à la mesure, et l’on compté dans l’île plusieurs ménétriers
qui, à Paris même, redouteroient peu la concurrence.
» On nomme indifféremment mulâtresses, à l’Ile-de-France, toutes les
lâtresses. femmes de sarig mêlé; quelques-unes cependant sont d’une teinte qu’il
seroit difficile à un étranger de distinguer de celle des femmes blanches,
dont elles imitent avec le plus grand soin la mise, la démarche et le ton.’
Dans peu d années, il est à croire que le camp qui leur est réservé contiendra
une quantité considérable de ces femmes, que le préjugé colonial empêchera
seul de confondre avec les dames créoles.
II est impossible de prédire ce qui résultera définitivement de la disparition
totale de la nuance qui sépare encore ces deux classes. Les dames
blanches, déjà moins irritées des hommages qu’on rend à leurs rivales,
finiront-elles par permettre un rapprochement qui leur est encore odieux
aujourd’hui, mais que les blancs de la colonie, et sur-tout les Européens,
considèrent comme inévitable d’ici à quelques années ? Le gouvernement
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LIVRE II. — D û , B r é s i l à T im o r in c l u s iv e m e n t . 3 9 9
se mêlera-t-ii de cette grande querelle, et autorisera-t-il les mariages entre
les femmes libres et les colons blancs § II a déjà fermé les yeux sur
plusieurs unions de ce genre, formées, il est vrai, par des Européens
d’une classe et d’une condition obscures,. et j’imagine que, par la
force des choses, ce qui est considéré aujourd’hui comme une faveur ou
une négligence de la part des autorités, finira par triompher et de la
répugnance des blancs et de la volonté première du législateur. Le torrent
est encore contenu ; mais.Ia digue, ruinée par le temps, laisse échapper
déjà quelques filets d’eau et finira par s’écrouler entièrement.
•> Je ne pense pas, après tout, que le malheur soit bien grand ; et peut-
être vaut-il mieux qu’à mesure que la couleur originelle s'efface, les
blancs laissent pénétrer dans leurs rangs la portion de la classe mulâ-
tresse-qui, par son éducation et sa conduite, se montrera digne de cette
faveur. La disproportion entre les populations blanche et noire diminuera ;
et peut-être la catastrophe dont le système prétendu philanthropique des
Anglais menace les colonies , sera-t-elle évitée ou du moins éloignée,
parce que le nombre des personnes intéressées à la prévenir s’accroîtra
sensiblement tous les jours. II y a lieu de croire encore que, pour parvenir
à cette distinctio'n, objet des voeux et de la jalousie de la classe des
sangs-mê/es, l’éducation donnée par les mères à leurs enfans prendra une
meilleure direction, et que les moeurs s’épureront graduellement. Déjà
encore plusieurs dames créoles sans enfans se sont attachées à de jeunes
mulâtresses et leur ont fait donner les meilleurs principes et la plus brillante
éducation. Il y a vingt ans que ces enfans n’eussent pu suivre dans
la société leurs mères adoptives; mais le préjugé a déjà perdu beaucoup
deilsa force, et nos dames elles-mêmes ne témoignent plus contre cette
introduction une répugnance aussi vive qu’autrefois.
» Une de ces jeunes personnes, aussi aimable et vertueuse que
jolie, venoit, peu de temps avant l’arrivée de ïU ra n ie , de se marier
avec un homme très - recommandable sous tous les rapports ; quoiqu’il
ait cru devoir quitter la colonie,- où il craignoit que l’opinion ne
lui fût défavorable, il n’a pas encore regretté, au milieu de tout le
bonheur dont il jouit dans son; ménage, le sacrifice qu’il a fait à son
intéressante compagne. »