
De l’homme
en société.
porte à croire qu’il s’y exerce depuis des temps fort reculés : j’ai rapporté
plusieurs pagnes de cette île, non moins remarquables par ia régularité
du tissu que par i’heureux choix du dessin et des- couleurs. La soie qu’on
y emploie vient de Chiné à l’état brut, et ce sont encore les femmes qui
ont la tâche de la mettre en oeuvre, comme elles s’occupent aussi de tous
les détails du tissage. Elles ne fabriquent aucune étoffe légère, mais seulement
celles qui sont épaisses et durables.
Les pagnes de Coupang ont ordinairement le fond blanc et la bordure
rouge; celles qui se fabriquent à Rottie et à Savu, sont noires, ou du
moins d’un bleu extrêmement foncé. C’est à Rottie, selon M. Lamarche,
que l’on fait les plus belles pagnes de couleur de ces contrées. Il est
possible que les étoffes soignées de Timor soient plus rares ; mais j’ai
peine à croire qu’aucune de celles de Rottie puisse lés surpasser pour
l’agrément et le fini du travail.
D’après les recherches de Crawfurd, les habitans du grand archipel
d’Asie auroient possédé l’art de tisser les étoffes bien avant qu’ils eussent
communiqué avec les Indous; il regarde même comme probable,que cet
art a dû faire partie des connoissances d’une tribu particulière d’indigènes.
En effet, remarque-t-il, les mots filer et tisser, ceux qui expriment/? métier
de tisserand, ia navette, la trame et la chaîne, sont tous des mots ou des expressions
indigènes, et à-peu-près les mêmes dans toutes les langues de
l’archipel ; par-tout du moins où l’on connoît l’art de fabriquer les étoffes
par le tissage; Le métier à tisser des'insulaires diffère essentiellement de
celui des Indous, quoique les rouleaux pour séparer le coton de sa semence,
et le rouet à filer, soient exactement les mêmes. Ce dernier,
aussi bien que les matériaux employés à cette manutention, sont connus
sous les noms sanskrits de j'antra et de kapas; et il est remarquable que,
dans cette langue mère , /¿z/zfrvz soit le nom générique appliqué à la mécanique.
Combien peii avancé étoit donc l’état des'arts parmi les habitans
de l’archipel indien, puisque leurs instructeurs ont dû leur faire présent
d’un nom qui tient à une des plus anciennes inventions manufacturières !
Fabrication de cordages. — Diverses substances textiles servent aux
indigènes à fabriquer les cordages dont ils ont besoin, soit pour la marine,
soit pour les usages domestiques. Ils emploient aussi au même objet
LIVRE II. — Du B r é s i l à T im o r in c l u s iv e m e n t . 683
des lanières de peau de buffle, qui font des cordes d’une force extraordinaire.
Filets de pêche. — « Mais l’art dans lequel les habitans de Coupang
déploient le plus de talent et d’adresse, c’est la confection de leurs
filets, et particulièrement de leurs éperviers. Les mailles en sont très-
serrées , très-égales et ,d’un fil fin et fort. Ces éperviers diffèrent de ceux
d’Europe en ce qu’ils n’ont pas de contre-mailles, en sorte que les pêcheurs
ne peuvent les jeter que sur une plage unie, où l’on puisse les tirer à
sec, et dans un endroit peu profond, où il soit possible d’envelopper avec
la main le poisson dans le filet, avant de le tirer de l’eau. Les plombs se
touchent presque tous.; ce qui est indispensable* car, s’ils étoient plus éloignés,'
les petits poissons p.ourroient passer sous le câble entre deux. A la
vérité, ces plombs sont moins pesans que les nôtres, et quelquefois même
ce sont de simples fragmens du coquillage nommé cône qui remplissent les
intervalles, lorsque la garniture de métal est trop espacée. Les plombs, au
lieu d’être ronds ou ovoïdes comme nous les faisans, ont à-peu-près la
forme d’un fer à cheval, percé, aux deux extrémités, de trous par lesquels
passe le câble de J ’épervier : ce câble est menu, quoique fort aussi. »
( M . Lamarche. ) Les filets et les lignes de pêche sont tous en coton.
Poteries. — Les Timoriens se bornent à la confection des vases les plus
grossiers ; ils ne connoissent même pas l’art de les vernisser. Les ustensiles
de ce genre qui sont d’un travail plus recherché, viennent de Chine
ou d’Europe. Les tuiles mêmes dont quelques Hollandais font usage pour
la couverture de leurs maisons, sont apportées du dehors.
Nature des navires. — On construit à Timor des navires et des bâti-
mens de mer de différentes dimensions, depuis la pirogue, creusée dans
un seul tronc d’arbre, jusqu’à des corocores et à des champans capables
de faire le grand cabotage.
On appelle corocore et plus rarement caracore, dans ces parages, un
vaisseau à carène fine, du port de huit à trente tonneaux, pouvant aller
à rames et à voile, et portant un seul mât. Le champan, dont le nom
est emprunté du chinois, est en général d’une plus grande capacité ; il
peut aller aussi à rames (1) et à voile; màis les mâts y sont multiples,
( 1) On en voit qui arment jusqu’à soixante avirons.
De l’homme
en société.
Construction
navale.