
De l’homme
comme »
individu.
mouillâmes, est placée sous i’équateur. Sa rade, entourée de collines boisées,
séparées par un petit marais,: est humide et foiblement abritée des
vents du large. Ce lieu, si malsain d’ailleurs, ne pouvoit qu’être favorable
à nos dysentériques. Un seul, M. Labiche, d'une constitution très-
délicate et profondément atteint, ne s’èn trouva pas bien ; nous eûmes la
douleur de le perdre quelques jours après avoir remis sous voile.
» Quant aux autres, dont le rétablissement fut retardé par notre
longue navigation presque sans cesse sous la ligne équinoxiale, ils guérirent
tous après diverses alternatives de mieux et de pis. Mais ce n’est
qu’après notre relâche aux îles Mariannes qu’il ne resta plus à bord de
traces de cette maladie, c’est-à-dire, sept mois et au-delà,après son invasion.
Sur 12 malades qu’il y eut à soigner, nous en perdîmes 4-
Traitement employé. — « Dès le début, le traitement général s’accommoda
à la nature des symptômes : les émoiiiens à l’intérieur, les bains,
les lavemens, les fomentations, furent d’abord employés pour apaiser
les vives douleurs. On ne se servit point de la saignée, parce que les malades,
affoiblis déjà par les fatigues de plus d’une année de navigation, tom-
boient le second jour, à la suite TTévacuations excessives, dans une extrême
prostration. A ces moyens étoit joint l’opium, comme spécifique sous forme
de laudanum, et en lavemens, puis en frictions sur l’abdomen. Nous en
obtînmes de bons effets ; il procura entre autres la guérison inespérée
du nommé Hamelin, ouvrier d’artillerie, âgé de 4 8 ans,-d’une constitution
maigre, et usé par un long séjour dans les pays chauds et par
l’abus des liqueurs alcooliques. Le lendemain de notre arrivée à Gou-
pang, et sans être allé à terre, il fut atteint d’une diarrhée qui, le
troisième jour, prit tous les caractères d’une violente dysenterie. De
vives douleurs se manifestèrent dans la région colique, et des selles fréquentes
affoiblirent considérablement le malade. L’inflammation augmenta,
la fièvre se déclara, et le sang qu’il rendoit par les selles
coula presque pur et involontairement le long des cuisses.
» Cet homme fut mis à l’usage de l’eau de riz gommée ; des potions
ou extraits de laudanum, à la dose de six à huit gouttes, lui furent
administrées sept ou huit fois le jour, et on lui fit des frictions opiacées
sur le bas-ventre. Insensiblement les symptômes s’amendèrent ; et le
LIVRE II. — Du B r é s i l à T im o r i n c l u s i v e m e n t . 603
vingtième jour depuis l’invasion de la maladie, Hamelin fut convalescent.
» Tous n’eurent pas le bonheur d’éprouver ainsi de bons effets de
l’opium : quelques-uns ne purent le supporter; et quoiqu’il produisît
toujours du calme pendant son action, une fois qu’elle étoit achevée,
les symptômes reparoissoient avèc la même force, quelquefois même
avec; plus de violence , par la propriété qu’on connoît à ce médicament
d’exciter le système sanguin. On fut donc obligé d’en cesser momentanément
l’usage, et de faire la médecine des symptômes, en ne l’administrant
que comme palliatif lorsque les douleurs devenoient intolérables.
» Cependant,,toutes les fois que le permit l’idiosyncrase des individus,
il devint la base du traitement, tant dans les premières périodes de la
maladie, que lorsqu’elle passoit à l’état chronique. Dans ce dernier cas,
l’opium supprimoit presque entièrement les selles de la nuit, si fatigantes
pour les malheureux qu’elles privent du sommeil, en les forçant d’être
à tout moment sur le siège.
Situation avant d’arriver aux Mariannes. — p Pendant la traversée de
Rawak aux îles Mariannes, nous avions encore quatre dysentériques qui
éprouvèrent les anomalies les plus bizarres, par diverses causes : la plus
ordinaire étoit les indigestions, qu’on ne pouvoit guère empêcher, parce que,
comme on sait, il reste toujours, dans un navire, des vivres après le repas
de l’équipage, et que les matelots ne savent pas en refuser à leurs camarades
malades. Les variations de l’atmosphère, les calmes, les chaleurs,
les grains subits et les brises variables, modifioient aussi la maladie,
l’exaspéroient ou la diminuoient tour à tour, sans que les médicamens
y apportassent un changemént fixe en mieux; souvent même on les
cessa, pour en reprendre l’usage rjuelque temps après.
Terminaison de la maladie. —- » Notre séjour à terre aux îles Mariannes,
dans un pays sain; l’usage de légumes frais et de quelques fruits
du pays (1), joints à des prises d’opium en décoction, terminèrent enfin
cette redoutable maladie.
De l’homme
comme
individu.
( 1 ) M. Quoy permit à ses dysentériques de manger de la crème de coco et des oranges
bien mûres; à Timor même il ne crut pas devoir refuser à quelques-uns l’usage des mangues.
C ’est le fruit le plus salubre qu’on y puisse trouver; il y est d’ailleurs d’une bonne qualité:
son odeur balsamique, constante dans tous les fruits de l’arbre, est moins variable dans ce