
CHA P IT R E IX.
Des Peuples indigènes actuels de la province de Rio de
Janeiro.
On se rappellera (i) qu’à l’arrivée des Européens, les sauvages du
Brésil, livres a tous les excès d’une nature dégradée, se montrèrent plus
dune fois redoutables aux colons. De prudens missionnaires parvinrent à
s emparer de la confiance de ces barbares, à les catéchiser, à les réunir
dans de petites aidées; et dès cet instant, on vit successivement s’adoucir
leurs moeurs féroces, l’habitude du travail et la pratique des arts mécaniques
se développer parmi eux, enfin un grand nombre prendre part
aux travaux des Portugais et les aider dans leur exploitation agricole.
Mais cet état de choses fut de peu de durée : un système nouveau succéda
à celui qui avoit produit des fruits si salutaires, et l’on ne tarda pas
à s’apercevoir des conséquences naturelles et funestes d’une conduite
si peu mesurée et si peu sage. Près de soixante et dix ans se sont écoulés
depuis lors : nous nous proposons d’examiner ici. quel développement
a pris, pendant une aussi longue période, la population indigène, . les
progrès qu’elle a faits vers la civilisation, et les espérances qu’il est raisonnable
de concevoir pour l’avenir..
Dans un premier paragraphe, nous parlerons des Indiens civilisés, ou
de ceux qui, depuis long-temps convertis au christianisme et établis
dans des aidées fixes, sont entièrement soumis aux Portugais, dont ils
ont . adopté plusieurs usages , et en particulier celui des vêtemens. Nous
comprendrons dans le deuxième les Indiens à demi civilisés, qui, baptisés
et reunis aussi dans des habitations stables, conservent cependant encore
la plupart de leurs inclinations primitives, et sur-tout un amour prononcé
pour 1 indépendance. Les Indiens encore sauvages seront l’objet du
troisième paragraphe. Enfin nous hasarderons dans le quatrième quelques
réflexions générales.
( i ) Voyez plus haut chapitre V.
I.er
Des Indiens civilisés.
Habitans
indigènes
actuéis.
Les indigènes de la province de Rio de Janeiro, les plus anciennement
convertis au christianisme, habitoient aux environs de la capitale
dans les villages de San-Lorenzo, San-Barnabé (aujourd’hui Villa-Nova) ;
San-Gonçalo, Caixas, Sepatiba, &c, Mais ces Indiens sont maintenant
en très-petit nombre ; leur race presque entière s’est fondue dans celle
des Portugais. San-Lorenzo, d’après le prince de Wied-Nemvied (i), est
le seul point parmi ceux qu’on vient de citer, où l’on en trouve encore
dont le sang se soit perpétué sans mélange. « Ils conservent leurs traits
caractéristiques, dit cet illustre voyageur ; leur taille est moyenne, souvent
médiocre ; le corps des hommes est bien proportionné , ramassé et
musculeux; la peau, comme celle de tous les habitans primitifs de
ces contrées, rougeâtre ou d’un jaune brun; la face large, assez osseuse;
les yeux souvent obliques, et cependant le visage bien fait; les traits
forts, les lèvres généralement épaisses , les mains et les pieds petits et
d’une forme délicate ; la barbe, chez le plus grand nombre, est dure et
peu fournie. »
Des cabanes faites avec des morceaux de bois entrelacés et garnis d’argile,
avec une toiture en feuilles de cocotier, composent leurs habitations.
Des nattes de roseaux, et quelquefois des hamacs en filets, pour
tout coucher ; de grands vases en terre, qu’ils fabriquent eux-mêmes
très-grossièrement, pour mettre leur eau, d’autres plus petits pour la
cuisine; quelques écales de coco et des calebasses dont ils font des
cuillers et des assiettes ; un arc, des flèches et quelquefois un fusil pour
la chasse ; divers objets d’habillement et de parure d’une excessive simplicité
: telles sont toutes les richesses mobilières que renferment ces
rustiques demeures (2).
San-Pedro dos Indios, dans le district de Cabo-Frio (pl. 1 ), est un
( i ) Voyez le Voyage au Brésil, du prince Maximilien de Wied-Neuwied, tom. //*
(2 ) Ibidem j, loco ciu
Indiens
de
San-Lorenzo.
Indiens
de San-Pedro.