
4 4 o VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Remarques Quoi qu’ii en soit, voici un fait dont on m’a garanti la certitude,
’île Bourbon Un habitant de i’îie alla dîner à la campagne chez un de ses amis ; Le
repas fut copieux et bien ordonné. Le convive, à son tour, engagea le
maître du logis à venir le voir le lendemain, et mit tout en oeuvre pour
répondre dignement à la politesse qu’il en avoit reçue. Mais quelle ne
fut pas sa surprise, lorsque au second service il vit paraître précisément
le même pâté froid qui avoit été servi la veille sur la table de son ami !
On s’informe, on fait du bruit, et l’on apprend enfin que ce pâté ambulant,
resté intact la veille, volé ensuite par les noirs et vendu par eux
à un recéleur , avoit été revendu par celui-ci au cuisinier de l’hôte
qui traitoit. Pour être extraordinaire, cet enchaînement de circonstances
ne se rattache pas moins à des faiîs dont on a tous les jours des
exemples. ;
Terrasses. J ’ai vu, à Saint-Paul, quelques maisons surmontées- de terrasses , ou ,
comme on dit ici, d’argamasses. Cette disposition est préférable à celle
des toitures ordinaires, à cause des ouragans, qui détruisent celles-ci ou
les dégradent d’une façon plus ou moins ruineuse. Le ciment employé
pour ces argamasses les rend parfaitement imperméables. Voici comment
il se compose : prenez parties égales de sable de rivière (i) tamisé très-
fin et de chaux vive ; humectez le tout avec un mélange d’eau et de
sirop de sucre, dans la proportion de sept litres d’eau et un verre de
sirop; pétrissez et pilez ensuite, en l’humectant, cette pâte pour la lier
et la réduire à consistance d’une crème un peu épaisse.
Pour mettre ce ciment en oeuvre, appliquez d’abord un glacis composé
de chaux, gros sable, eau et sirop dans les rapports indiqués plus
haut j frottez ce glacis avec des rabots de bois , jusqu’à ce qu’il soit
sec (2), afin d’en bien lier toutes les parties et d’éviter les gerçures. Ayez
soin, tout en frottant ainsi, d’humecter légèrement le glacis avec votre eau
sirupeuse; puis, quand il paraîtra bien sec, vous placerez par-dessus
votre ciment fin, de l’épaisseur d’une ligne ou deux, en l’unissant à la
truelle, et vous le laisserez sécher, après l’avoir abrité de la pluie et
même des fortes rosées.
(1) Au lieu de sable, on peut employer aussi la brique pilée, tamisée avec soin.
(2) Trois jours suffisent ordinairement à Bourbon, à cause de la forte température.
LIVRE II. — Du B r é s i l à T im o r in c l u s iv e m e n t . 441
On connoît le rang distingué que tient le cafe Bourbon dans les
marchés européens; cependant la culture de cette graine precieuse
diminue graduellement depuis quelques années.*M- Thomas assure que
les bois noirs plantés pour servir d abri aux cafiers sont sujets à une
maladie qui en fait périr beaucoup ; ils la communiquent aux cafiers,
qui succombent à leur tour ; et l’on se détermine avec peine a remplacer
un arbuste qu’il faut soigner pendant huit a dix ans avant den retirer
aucun produit.
La culture des cannes à sucre est bien plus lucrative. Voici, a cet
égard, le raisonnement qu’un habitant du quartier de Sainte-Marie,
M. Routier, faisoit à M. Gaimard :
« Un champ de dix mille gaulettes.de superficie (1), pareil à celui
» qui sépare mon habitation des bords de la mer, étant régulièrement
» planté en cafiers ^donnerait un revenu annuel de 300 balles de café.
» Le prix de la balle étant de 10 piastres, ou aurait 3 000 piastres de
« revenu. Il faut observer que, dans ce quartier, une caféterie ne par-
» vient pas avant douze ans au point de perfection.
» L a même superficie, plantée en cannes, est susceptible de donner
» à la première coupe 300 milliers de sucre, les cannes étant bien
»venues; 230 milliers à la seconde coupe, et 200 seulement à la
» troisième ; ce qui fa it, terme moyen, 230. milliers de sucre, à
» 90 piastres le millier : en réduisant ce terme moyen à 200 milliers , on
» a toujours un revenu.de 18 000 piastres [9 7 j 4° francs]. On re-
» marquera que la première coupe ne peut avoir lieu qu’au bout de
» dix-huit mois. Le même champ, planté en maïs et en pois, n’a donné
» depuis douze ans qu’un revenu de70o à 800 piastres [3 801 francs à
» 4 344 francs], année commune. »
« Dans ces calculs, le sucre ne seroit-il pas porté à un taux trop
élevé! Je dois m’abstenir de toute réflexion, poursuit M. Gaimard,
puisque je tiens ces détails d’un habitant respectable, qui doit nécessairement
bien connoître le prix des denrées qu’il cultive. »
Une amélioration notable dans la fabrication du sucre , résulte de
l’emploi des machines à vapeur. On doit l’exemple de leur introduction
(1) La gaulette est une surface de 15 pieds carrés.
K .k k *
Cultures
coloniales.