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Octobre. » Nous prîmes enfin congé du vieil empereur, car on lui donne aussi
ce titre, et nous regagnâmes la ville en chassant. »
Les chaleurs, qui depuis notre arrivée à Coupang avoient été extrêmement
fortes, se firent ressentir, le 1 4 octobre, avec plus d’intensité encore
que de coutume : le thermomètre en plein air, au soleil, et à l'abri de
toute réverbération, s’élevoit à-peu-près à 4 5J ; la température de la
mer en indiquoit elle-même plus de 28 ; aussi, quelque soin que nous
prissions de nous tenir à l’ombre, et d’établir autour de nous, dans
l'appartement, les courans d’air les plus actifs, la température ne nous
paroissoit ni moins etoufîànte, ni moins incommode.
Cresce i ardor nocivo, e sempre awampa
Più mortalmente in queste parti e in quelle :
A giorno reo notte più rea succédé,
E di peggior di lei dopo lei vede (1).
Gerusalemme liherata^ cant. xni.
Dès le premier instant, j’avois fait à tous mes compagnons de voyage
les recommandations et les injonctions les plus expresses pour les prémunir
contre les dangers d’un tel climat; mais, à mon grand regret, j’appris
que plusieurs d’entre eux, se jouant des plus sages conseils, avoient
affecté de sortir souvent au milieu du jour, malgré l’ardeur extrême de
l’atmosphère, et qu’ensuite ils croyoient pouvoir se prémunir contre les
suites funestes de cette imprudence, par des boissons abondantes ou
l’usage de fruits acides et aqueux.... Étourderie déplorable, dont un grand
nombre d’entre eux ne tardèrent pas à se repentir !
Nous savions, dès la veille, que les Chinois de Coupang se prépa-
roient à célébrer une fête religieuse : informés que nous pourrions y
assister, plusieurs d’entre nous se rendirent à leur temple ; je fus du
nombre. Un peu avant le coucher de la lune, toutes les bougies forent
allumées;- puis on servit, sur des tables placées en face des idoles, divers
mets, et entre autres des volailles et des cochons de lait, cuits, à ce qu’il
me parut, dans l’eau, et dressés avec un art dont nos cuisiniers français
( , ) La chaleur, dévorante s’accroît de plus en p lu s f ses feux dévastateurs portent de toute
part I epuisement et la mort. A un jour affreux succède une nuit plus affreuse, que remplace un
jour plus sinistre encore. , p
approcheraient à peine. Au coucher de la lune, la cérémonie commença:
dix à douze Chinois seulement y assistèrent, ainsi qu’un petit nombre de
naturels du pays ; mais il n’y vint aucune femme. Nous donnerons les
détails de cette fête, dans le paragraphe consacré à la religion.
Le 1 5 , MM. Gaudichaud et Fabré, désirant faire une course de chasse
et d’herborisation aux environs de Coupang , se mirent en route de fort
bonne heure, et se dirigèrent vers le village de Namessey (1). Après
avoir dépassé le fort Coneordia, ils pénétrèrent dans un petit bois, sur
les limites duquel se trouvoient quatre- ou cinq tombeaux chinois enveloppés
plutôt qu’ombragés par les rameaux de plusieurs énormes figuiers
multiplians.
« Un sentier étroit (c’est M. Gaudichaud qui parle) nous conduisit
bientôt au bord de la mer, sur une grève de sable fin, au milieu de laquelle
des milliers de palmiers formoient un berceau impénétrable aux
rayons du soleil. A peine eûmes-nous fait quelques pas sous ce dôme de
verdure, que nous distinguâmes Namessey, composé d’une multitude de
petites casés, à la porte desquelles les paisibles habitans étoient groupés
autour d’un déjeûner.
» En nous dirigeant vers la cabane qui avoit le plus d’apparence,
nous vîmes toutes les femmes rentrer à la hâte pour se dérober à nos
regards.
» Craignant de paraître importuns à cette famille, nous allions nous
retirer, quand un des hommes vint au-devant de nous pour nous inviter
à approcher. Nous trouvâmes là , assis sur des nattes, trois vieillards
qui, tout en continuant de manger leur riz cùit à l’eau et de petits
poissons , nous offrirent des rafraîchissemens que nous acceptâmes.
L’expression de notre reconnoissance, et quelques cadeaux que nous
fîmes, établirent promptement entre nous les relations les plus amicales.
Bientôt nous vîmes arriver plusieurs personnes des cases voisines ; des
enfans les suivoient; quelques vieilles femmes, poussées par la curiosité,
ne tardèrent pas à en faire autant; enfin cinq ou six jeunes filles, enhardies
par l’exemple, vinrent augmenter le cercle qui se formoit autour
de nous. Une de ces dernières, remarquable par la régularité de ses pîo-
, ( i ) Voyez ]&• 1 5 , p a r I 2 i ° 14* d e lo n g itu d e .