
dans les piaines de Wilhems. La somme des hauteurs des cascades que
parcourt la Grande-Rivière avant d’arriver à la prise d’eau de l’aqueduc, est
d'environ deux cents toises. Une livre de cette eau, évaporée à siccité, ne
laisse que six grains de résidu composé de carbonate de magnésie, de muriate
de soude et d’alumine carbonatée ; les réactifs n’ont pu y faire reconnoître
fa présence du fer : c’est la meilleure eau qu’on boive dans la colonie.
» Celle de la rivière du Tombeau tient le second rang, pour la pureté,
parmi celles qui avoisinent le Port-Louis ; son résidu est de dix grains,
par livre, de substances différant très-peu , par leur nature, de celles de
la Grande-Rivière.
» J ’ai analysé, sans y trouver rien de caractéristique particulier, l’eau
de la rivière des Pamplemousses, qu’un habitant riverain me pria d’examiner,
en me disant que plusieurs de ses esclaves qui en faisoient usage
étoient attaqués de coliques néphrétiques : il m’apporta même plusieurs
pierres trouvées dans la vessie des porcs qui avoient été élevés au bord
de cette même rivière ; une d’elles étoit presque entièrement formée d’oxa-
late de chaux et d’ammoniaque, joints à du phosphate de chaux disposé
par couches distinctes ; le phosphate de chaux formoit le noyau ; j’y trouvai
très-peu d’urée. Rien dans cette eau ne me parut d’ailleurs avoir été la
cause directe de la maladie. La rivière des Pamplemousses, dans le voisinage
de l’habitation dont il s’agit, coule sur un lit rempli de joncs et
de conferves ; elle a très-peu de vitesse, et se jette ensuite dans la rivière
des Calebasses, dont la réunion porte un peu en dessous le nom de
rivière du Tombeau : son cours devient alors plus rapide. '
» L’eau de la rivière des Lataniers, dont le lit passe au pied des retran-
chemens situés au Nord de la ville de Port-Louis , n’est pas potable.
Deüx livres de cette eau, évaporée à siccité, ont laissé plus de deux cents
grains de résidu composé-de muriate de soude , de muriate de chaux, de
sulfate de soude, de carbonate d’alumine et de carbonate de fer. Dans les
grandes sécheresses, cette rivière tarit presque entièrement. Les colons qui
habitent sur la montagne des Prêtres, où elle prend naissance, assurent
que l’eau en est bonne à sa source ; ce qui doit s’entendre des petits ruisseaux
dont la réunion constitue plus bas la riyière elle-même, et qu’elle
ne devient mauvaise qu’en passant sur un sol marécageux situé dans
LIVRE II. — Du B r é s i l à T im o r in c l u s iv e m e n t . 3 7 5
le trajet: je n’ai pas eu occasion de vérifier le fait; mais il est constant
que, parmi les militaires qui travaillèrent jadis aux fortifications, plusieurs,
au mépris des conseils des médecins, s’étant obstinés à faire usage de
cette eau pendant la durée de leur travail, eurent de violentes dysenteries,
et d’autres, plus tard, des obstructions dans les viscères. Il reste
encore un ouvrage intéressant à exécuter ; c’est 1 analyse des eaux qui
coulent à l’Iie-de-France dans les cavernes.
» Les puits sont ici généralement de deux espèces : vers la partie
inférieure de Port-Louis, on trouvera leurs eaux chargées de muriate de
soude ; plus près des montagnes qui avoisinent la ville, elles filtrent à
travers un sol argileux, et contiennent du sulfate de chaux et du sulfate
d’alumine ; enfin, les puits qui sont creusés dans les bancs de pierre
compacte, donnent des eaux assez pures : ceux de la maison Ravili
et de la maison Lagravelle, par exemple, situés près de la Plaine-
Verte, sont abondans et fournissent de très-bonne eau.
S. 11.
Géologie.
« L’Ile-de-France, si bien connue sous beaucoup de rapports, dit M. le
docteur Quoy, l’est fort peu sous celui de la géologie; et si l’on excepte
M. Bory de Saint-Vincent, tous les voyageurs qui ont parlé de cette île,
ont passé sur ce sujet, ou n’ont fait que l’effleurer.
» Cette contrée, et le petit nombre d’îlots qui l’avoisinent, sont
entièrement le produit des volcans. J ’en ai fait le tour; et nulle part, même
dans les plus grandes profondeurs où coulent les rivières, je n’ai trouvé
de substance minérale qui n’ait été fondue. A ce premier fait, il faut en
ajouter un autre; c’est celui de l’abaissement du niveau de l’Océan (1),
qui, après avoir couvert certaines parties de l’île, a laissé à sec, en se
retirant, des bancs de madrépores assez étendus.
» L’Ile-de-France, dont le contour peut être évalué à trente-deux lieues
(1) La présence de divers corps marins au milieu des terres, et à des hauteurs où l’Océan
aujourd’hui ne sauroit atteindre, prouve bien sans contredit que les eaux ont recouvert cette
partie du sol; mais le retrait des eaux, ou, comme disent parfois les géologues, l’abaissement
Voyage de l*Uranie.— Historique. B jb Î )