
De l’homme
comme
individu.
violens que l’on connoisse t comment donc peut-on conseiller de porter
de telles substances sur la muqueuse intestinale de personnes qui n’y
sont pas habituées, et par une latitude sur-tout où la chaleur la plus
intense viendrait encore en augmenter les effets inflammatoires et destructeurs.
Heureusement qu’un instinct plus fort que toutes les théories
repousse naturellement l’emploi d’une telle pratique chez les Européens
qui arrivent dans ces régions. Bien plus, nous pensons que ce moyen est,
pour ainsi dire, impossible; car, dès qu’on essaie de faire usage de ce dégoûtant
masticatoire, la bouche se contracte,'et l’on croirait qu’elle va
se fermer tout-à-fait sous la violente influence de son astringence et de
sa rudesse.
» Relativement aux frictions huileuses, elles ne sont rien moins que
générales à Timor, ainsi que nous avons pu nous en assurer. L’usage
des bains, fréquent chez les personnes riches, n’est pas non plus commun
chez le peuple.
» Péron se trompe donc lorsqu’il attribue en partie au bétel l’état de
santé des habitans de cette île. Sans doute on peut être entraîné à en
croire l’usage indispensable pour exciter la sécrétion du canal intestinal,
lorsqu’on n’a vu que Timor: mais les habitans des Mariannes, qui n’usent
que fort peu d’un masticatoire presque semblable, ne craignent pas
la dysenterie; ceux des îles Carolines, si joyeux, si bien portan's,qui
ont de si belles dents, ne connoissent pas plus cette maladie que le bétel ;
et cependant ces peuples habitent sous des latitudes bien chaudes ; les
Caroiinois sur-tout, dont la plupart des îles sont madréporiques et peu
élevées au-dessus du niveau de l’Océan : on peut ajouter que l’eau qu’ils
boivent est saumâtre. Je pourrois citer aussi les naturels des' îles Sandwich,
de Taïti, et de tant d’autres archipels du grand Océan qui habitent en
dedans des tropiques.
» Enfin j’accumulerois au moins autant de preuves pour convaincre
de l’inutilité du bétel comme préservatif de la dysenterie, que Péron
en a cité pour soutenir son système. Disons plutôt que ce .bizarre
usage tient autant à la perversion du goût qu’à l’oisiveté des peuples'
indiens, et qu’il s’est insensiblement répandu en Orient, comme le tabac
en Europe. On ne saurait trop cependant attaquer la fausseté de la
LIVRE I I — Du B r é s i l à T im o r i n c l u s i v e m e n t . 6 13
théorie que Péron a émisé, et qui a pu porter naguère le chirurgien-
major d’une frégate française à faire distribuer du bétel à l’équipage,
comme moyen prophylactique de la dysenterie.
» Si, moins malheureux que l’expédition du capitaine Baudin, qui a
vu périr presque tous ses dysentériques, il n’en est mort que quatre sur
douze à. bord de l'Uranie, nous le devons sur-tout au séjour moins long
que nous avons fait dans ces parages meurtriers; et nous osons croire
que s i, plus favorisés, nous eussions pu franchir tout de suite le détroit
d’Ombai et nous éloigner1 rapidement de ces îles, aucun dé nos malades
n’eût peut-être succombé. »
- §. VI.
De l ’homme vivant en fam ille.
La sobriété des habitans de Timor a déjà été remarquée. Les végétaux,
le maïs sur-tout et le riz, font la base de leur nourriture : ils
y ajoutent du poisson, presque toujours sec ou salé, des coquillages
ou d’autres, productions marines, de la chair de buffle, des volailles,
des singes et même des chauves-souris , &c. &c. ; et ceux qui ne
sont pas mahométans, du sanglier et du porc : en générai cependant
ils recherchent peu les viandes ; ils leur préfèrent plusieurs plantes potagères,
accommodées en brèdes, c’est-à-dire, cuites à l’eau, salées et
pimentées seulement. Le coco, la banane, la mangue, les oranges, sont
les fruits dont ils font le plus d’usagé ; l’ananas est moins répandu, et se
trouve placé de préférence sur les tables des Européens ou celles des
voluptueux Chinois. Enfin diverses racines nutritives, le sagou et d’autres
végétaux dont la liste a été déjà donnée, complètent leurs richesses
alimentaires.
Plus sensuels et plus habiles dans les préparations culinaires, les colons
chinois accommodent leurs mets de beaucoup de manières aussi recherchées
qu’agréables ; les confitures, les sucreries, les liqueurs, et les divers
ingrédiens qui irritent l’appétit sans le satisfaire , se voient toujours
abondamment chez eux. On sait que leur boisson favorite est le
De l’homme
comme
individu.
Nourriture.