
par un des principaux chefs du royaume de BaJibo , et ne put se
procurer les rafraichissemens dont ii avoit besoin cju'en le retenant momentanément
prisonnier, lui et son ¿ils.
Nous n’entrerons point ici dans le détail de la lutte qui s’engagea plus
tard entre les Portugais et les Espagnols, relativement à la souveraineté
des Moluques; mais il me paroît intéressant de signaler l’époque de la
conquête des Philippines par ces derniers, qui, commencée en 15 (>6, fut
singulièrement favorisée par les pieux efforts des missionnaires chargés de
convertir les indigènes. On peut assurer, avec Crawfurd, que la bienveillante
influence de la religion, chrétienne eut, depuis la première période
de 1 autorité des Espagnols dans ces îles jusqu’à nos jours, le plus puissant
ascendant sur la civilisation du peuple et sur sa réconciliation avec
ses conquérans; car l’avariçe avoit été jusque là et lut toujours depuis
le principal ressort de la politique des Européens dans-l’archipel d’Asie.
Les denrees de ces îles, obtenues sans cesse par des moyens violens,
devinrent le point de mire des aventuriers de toutes les nations d’Europe,
tandis que les indigènes restèrent en proie à une longue suite de
malheurs, dont aucune portion de l’espèce humaine ne fut aussi longtemps
la victime. II est pénible d’avouer qu’un si horrible état de choses
existe encore dans la plupart des îles de cet archipel (1).
Aux Philippines, les Espagnols ajoutèrent bientôt la possession des,
îles Mariannes : Manille fut fondée, et leur commerce prit un développement
funeste à celui de leurs rivaux, dont ils acquirent bientôt toutes
les possessions dans les mers de l’Inde, par la réunion des couronnes
de Portugal et d’Espagne sur la tête de Philippe II. Cet événement
porta un coup terrible a fia prospérité des colonies portugaises; car,
comme le dit Lafiteau, quoiqu elles fussent toujours administrées par
les Portugais, cependant le ministère espagnol fit constamment ses
efforts pour les détruire, intéressé qu’il étoit à affoiblir un peuple dont
il redoutoit les forces et 1 attachement a ses princes naturels : aussi est-ce
une espèce de prodige que le Portugal n’ait pas perdu entièrement alors
le fruit de tant d’années de dépenses et de travaux (2).
(1 ) Crawfurd, op. cit. t. II.
( 2 ) Lafiteau, Conquêtes des Portugais.
En 15 7 8 , de nouveaux compétiteurs avoient paru dans ces parages:
les Anglais, sous la conduite de Drake, vinrent toucher à Ternate
et la fausse politique de Philippe II ayant interdit aux Hollandais l’entrée
des ports du Portugal, où jusqu’alors, commerçans tributaires, ils étoient
venus acheter les épices pour les distribuer dans le Nord de l’Europe,
ils résolurent d’aller chercher ces précieuses denrées à leur source même,
et arrivèrent en force dans l’archipel d’Asie. Les avantages immenses qui
furent la conséquence de ces relations directes, et la victoire qu’ils remportèrent
sur les Portugais près de Bantam, leur inspirèrent la pensée
d’organiser cette société fameuse qui, sous le titre de Compagnie des
Indues, parvint bientôt à un si haut degré de puissance. La conquête des
Moluques signala son début ; elle devint le gage de ses brilians progrès,
et de la décadence rapide du commerce de ses rivaux.
Par leurs communications successives avec les nations européennes,
les insulaires d’Asie avoient été tour-à-tour dupes ou victimes de l’astuce
et de l’avarice de celles-ci. Cependant les Portugais, dit Crawfurd (1),
malgré les vices et les violences de leur administration, n’avoient pas
essayé, comme le firent leurs successeurs, de régler et de limiter l’accroissement
d’aucun des objets les plus recherchés du commerce des
Moluques, et ils devoient à cette prudente circonspection la prospérité
de leurs établissemens. Malacca, renommée comme dépôt commercial
sous ses souverains naturels, n’avoit rien perdu, entre leurs mains, dé
sa réputation : une correspondance active et sans entraves exista toujours
entre les îles indiennes, la Chine et le Japon ; mais elle cessa
sous l’influence des autres nations européennes. Aussi, pendant la domination
des Portugais, qui dura à peine cent ans dans ces îles, et qui
depuis près de deux siècles s’est entièrement évanouie, ils y ont laissé
plus de monumens de leurs arts , de leur langage, que ne l’ont fait
les Hollandais, leurs successeurs, dont l’administration, qui subsiste
encore, embrasse une période de temps deux fois plus considérable.
Malheureusement pour les Portugais, les cruautés et les vexations.de
tout genre dont ils accabloient les habitans, les avoient rendus odieux,
et leurs compétiteurs furent accueillis par ces derniers avec emprèsse-
( 1 ) Crawf. op. cit. t. III,
Voyage de l* Uranie. — Historique. X X X