
volcaniques, paroissant contenir beaucoup de fe r , marquent les limites
qu’il n’est pas permis de dépasser.
Le service militaire, nous pûmes nous en■ convaincre, répond parfaitement
à la magnificence du local : le corps-de-garde renferme un ou
deux vieux fusils rouillés, et autant de méchans habits d uniforme que
chaque homme de garde endosse à son tour. Nous avons su par une des
sentinelles, que les soldats des îles Canaries ne sont pour la plupart qu’une
milice prise parmi les habitans et renouvelée tous les quatre mois : on ne
les exerce jamais aux manoeuvres ; quelques-uns d’entre eux, nous a-t-on
très-positivement assuré, n’ont jamais vu de poudre de leur vie. II est
probable qu’en temps de guerre le service est réglé avec plus de soin.
Nous nous- hâtâmes de faire les expériences magnétiques qui avoient
été en partie l’objet de notre relâche. L’inclinaison de l’aiguille aimantée
étoit de 57° 58' > et sa déclinaison de 2 1? 3’ 55" Nord-Ouest. Ces
résultats de nos observations, que je ne puis qu’indiquer rapidement
ici, se trouveront, ainsi que quelques autres, réunis avec de grands
détails dans la partie de ce voyage destinée spécialement au magnétisme.
Les journées des 25 , 26 et 27 octobre furent consacrées par nous, en
grande partie, à fexécution de ces travaux, tandis qu’on s’oceupoit à bord
de l’embarquement de l’eau et des rafraichissemens en viande, v in , fruits
et légumes que le pays pouvoit nous fournir. Ces denrées nous furent
apportées par une chaloupe du port.
J ’avois tout disposé pour partir dans la soirée du 28 octobre ; mais
M. le consul ayant négligé de venir conférer avec moi pour le règlement
des comptes relatifs à nos dépenses, m’obligea de différer mon départ
jusqu’au lendemain. Ma résolution de remettre sous voiles avant la fin
de ma quarantaine parut letonner ; et c’est probablement aux idées qu’il
s’étoit formées à cet égard, sans tenir compte de ce que je lui avois dit,
que nous dûmes imputer le peu de promptitude de ses opérations.
Nous quittâmes enfin l’île de Ténériffe le 28 octobre à onze heures du
matin, en dirigeant notre route de manière à passer à l’Ouest, mais
hors de vue des îles du Cap-Vert.
Les 30 êt j 1 octobre furent remarquables par la grande quantité de
poissons volans que nous aperçûmes, et par celle des sauterelles et des
LIVRE I.cr — De F r a n c e a u B b é s i l in c l u s iv e m e n t . 2 7
papillons qui tombèrent à bord. Ces insectes venoient nécessairement des
côtes d’Afrique ; mais quoique nous n’en fussions éloignés que d’une
soixantaine de lieues, encore doit-il paraître étonnant que ces animaux
aient pu être transportés à un pareil intervalle.
Du 1 ,er au 5 novembre, plusieurs hommes de l’équipage, ainsi que
quelques personnes de l’état-major, furent pris presque instantanément
de coliques assez fortes : ces indispositions durèrent de vingt-quatre à
quarante-huit heures. Nos médecins ont été obligés d’en chercher la
cause dans le passage brusque d’une zone atmosphérique dans une autre
qui contenoit des principes morbides. Insensiblement cependant nos malades
se rétablirent; nous n’en avions même plus qu’un seul, retenu sur les
cadres par une chute, lorsque nous coupâmes l’équateur, dans la nuit du
20 novembre, à 3 1 0 environ de longitude occidentale du méridien de Paris.
L’équipage se livra, selon un usage fort ancien chez les gens de mer,
aux folies qui se pratiquent au passage de la ligne, et qui souvent ont été
décrites par les voyageurs. La journée fLit très-gaie, et terminée par des
réjouissances auxquelles l’état-major ne dédaigna pas de prendre part.
Quelque ridicules que puissent paroître à des hommes graves les mascarades
qui ont lieu à cette époque, comme elles contribuent sans aucun
doute, par la joie qu’elles font naître, à entretenir la santé parmi l’équi-
page, je pense que les capitaines prudens feront toujours bien de les
permettre, et même d’y exciter les matelots.
Le 4 décembre, nous vîmes passer près du bord les restes d’un calmar
énorme, que des requins et de nombreux oiseaux étaient à dévorer. Une
embarcation mise à la mer en rapporta quelques fragmens de plus de
deux pieds de diamètre. A en juger par ces énormes débris, nous dûmes
penser que 1 animal entier ne pesoit pas moins de cinq à six cents
livres.
La mer offrait encore ici de toutes parts des papillons morts à sa surface
; plusieurs de ces animaux vivans se montraient également pendant
le jour. De pareils indices nous annonçoient la vue prochaine des côtes
du Brésil, sur lesquelles nous nous dirigions, mais dont nos observations
astronomiques nous indiquoient encore plus exactement le voisinage. Nous
faisions route sur le cap Frio, dont nous avions à déterminer la position
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