
De l’homme
en société.
des funérailles, cest devant un pareil tableau pompeusement orné, qu’on
fait une oblation accompagnée d’un sacrifice, dont nous sommes encore
forcés de supprimer ici les curieux et nombreux détails.
La cérémonie terminée, tous les assistans, et en première ligne les
parens du mort, vont prendre place à des tables disposées d’avance ; une
tablç distincte pour le défunt est servie devant son tableau. Les convives
font ensuite honneur au festin.
Un philosophe chinois, né 565 ans avant Je'sus-Christ , et nommé
vulgairement Lao kioun [le vieux prince] (1), fut le fondateur d’une
secte assez semblable, a-t-on dit, à celle des épicuriens (2). Quoi qu’il
en soit de cette ressemblance, ses disciples se livrent à la magie et à l’art
de guérir-par des sortilèges. Ils prétendent que les morts et certains
esprits malfaisans envoient aux hommes des maladies et des infirmités.
Il se vantent de pouvoir évoquer les uns et chasser les autres, afin de
mettre obstacle aux effets de leur malveillance. Pour y parvenir, une
foule de pratiques superstitieuses sont mises par eux en oeuvre. Tantôt
on offre des mets à ces êtres fantastiques, on brûle en leur honneur du
papier doré et argenté, en prononçant des prières à grands cris ; tantôt,
pour les contraindre à prendre la fuite, on cherche à les effrayer par des
vociférations et des clameurs, en invoquant contre eux les tigres noirs,
Suppose-t-on que c’est l’ame d’un défunt qui vient tourmenter le fils ou le
neveu qu’il a laissé sur la terre, et ce dans le but d’être délivrée par lui
des peines de l’enfer, une conjuration spéciale a lieu en pareil cas.
Enfin, toutes les opérations magiques, telles que l’art de jeter ou de
détourner les maléfices , la composition des philtres , les différentes
branches de la divination, sont du ressort de.cette secte de sorciers. On
compte aussi parmi eux des espèces de pythonisses : les fonctions de
celles-ci sont quelquefois remplies par des hommes, qui pour cela
prennent des habits de femmes, exigent qu’on leur en donne le nom, et
s’arrachent la barbe jusqu’à la racine.
(1) On lui donne encore, presque indistinctement,les noms suivans: Lao tsee, Lao tou, ou
Lao tseu [ le vieillard ] , Lao tien [ le vieux ciel ] , Lao tan [ vieillard aux longues oreilles 1.
Cette demiere qualification fait allusion à la grandeur réelle de ses oreilles.
(2) Cette comparaison est du P. du Halde ( op. cit. tom. 111 ).
LIVRE II. — Du B r é s i l à T im o r in c l u s iv e m e n t . 649
«Quelques sorciers, dit le père Adrien de Sainte-Thècle, peuvent
donner des détails sur l’état des trépassés. Pour cela ils placent un
homme ou une femme au milieu du lieu où ils sont, les tourmentent par
des-fumigations et différens gestes, jusqu’au point de leur faire perdre con-
noissance, et de les laisser en quelque sorte pour morts. La personne soumise
à ces pratiques, recouvrant les sens après un certain laps de temps,
raconte tout ce que le secours du démon lui a fait voir dans le tombeau,
dans l’enfer ou dans le ciel, relativement à la condition du défunt ;
elle dit quels lieux ont été le partage de l’ame au sortir du corps,
quel usage elle a fait en route des cahiers de papier doré ou argenté
qu’on lui avoit mis à la main. Rendue à elle-même, cette personne se sent
fatiguée, défaillante et épuisée par son extase. Or, on voit dans cette extase
une image de celle qui saisit les serviteurs de Dieu par la puissance
de la grâce. »
Les Chinois de la secte des sorciers croient, comme les lettrés, aux
esprits tutélaires, et leur rendent un culte ; ils adorent aussi, de toute
antiquité, d’autres esprits. Le principal objet de leur vénération est Lao
kioun, qu’ils regardent comme leur maître, et à qui ils donnent encore le
titre de roi vertueux, roi le plus antique. Une fois par an , sans époque
fixe, ils célèbrent à son honneur un service solennel, sur un autel élevé
dans leur maison, sans tableau ni image quelconque, et en observant les
cérémonies qui accompagnent l’un des sacrifices à l’esprit tutélaire; ou
bien ils passent toute la nuit et tout le jour à prier, font une simple
offrande, et se conforment du reste aux rites usités dans le culte de Fo.
Dans la légende qu’ils récitent pour le sacrifice, ils louent Lao kioun de
son intelligence, de sa prudence dans les choses spirituelles ; le félicitent
de ce qu’il réside dans tout le monde et le gouverne tout entier; de ce
qu’il étend sa puissance sur les esprits et leur donne ses ordres. Us lui
offrent des mets et toute sorte de présens ; lui disent qu’ils attendent
avec respect qu’il mange, et travaille à éloigner le vent et la pluie ; enfin
ils le prient d’écarter loin d’eux tous les maux, de leur accorder le bonheur,
la réussite dans les affaires et une bonne réputation.
Ils révèrent aussi beaucoup douze esprits, qui occupent tour à tour,
chaque année, le premier rang, et se succèdent dans le gouvernement
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