
De l’homme
en société.
des choses humaines, comme dans le pouvoir de nuire, ce qui leur a
fait donner le nom de gouverneurs malfaisans.
Plusieurs autres esprits sont encore l’objet de leur culte, et reçoivent
une offrande de mets, deux fois par mois, les jours de nouvelle et de
pleine lune.
Les tireurs d’horoscope, appelés souan ming [ qui supputent la' destinée]
(1), tiennent un rang considérable dans la secte des sorciers. Leur
principale occupation consiste à déterminer l’heureuse ou la funeste
situation d un édifice , et sur-tout d’une sépulture. Si par hasard ou
méchamment il arrive qu un voisin bâtisse sa maison de manière qu’un
angle du toit soit dirigé vers lè flanc de celle d’un autre habitant, il n’en
faut pas davantage pour que. celui-ci se figure que tout est perdu ; le
ressentiment qu’il en conçoit est porté à un degré d’exaspération qui ne
peut être calmé que par la destruction du fatal édifice, et qui éclate
d’abord par un procès. Si les juges ont assez de sens pour ne point donner
gain de cause au plaignant, il pense alors qu’il n’a rien de mieux à faire,
pour neutraliser en partie les maux qu’il croit prêts à fondre sur les siens
et leur postérité, que de placer au haut du comble de sa propre habitation
un monstre ou dragon en terre cuite, qui jette un regard terrible:sur
1 angle maudit, ouvre une gueule énorme, enfin se tient en attitude de
dévorer le méchant esprit qui doit venir de ce côté-là (2).
On consulte aussi les devins sur les événemens futurs de la vie, sur la
mort, sur la santé, les maladies., la richesse ou la pauvreté, et sur les
emplois que Ion postule. Lorsqu’on perd quelque chose par un vol, on
va demander àu devin où s’est enfui le voleur ; si c’est du côté de
1 Orient ou de l’Occident, du Midi ou du Nord ; en sorte que, parmi
ceux que l’on soupçonne, malheur à celui dont la maison se trouve située
dans la direction indiquée par le devin!
(1) Nous avons vu plus haut (pag. 636 ):, que les Malais de Coupang appellent les leurs
souañgghis [qui supputent le bonheur], expression tout-à-fait synonyme, et empruntée évident- '■
ment des Chinois. Ce n’est pas le seul rapprochement qu’il y auroit à faire des usages et des
préceptes religieux chinois, avec ceux des Timoriens: mais ces similitudes devant résulter delà
simple comparaison des faits que nous avons relates ou que nous relaterons encore, je n’ai
pas-cru devoir m’appesantir davantage sur cet important objet. .
(2) Du Hálde, op. cit. tom. III.
Certaines lignes tracées d’une manière bizarre, des pièces de monnoie Ile
qu’ils jettent en l’air pour avoir croix ou pile, les cinq sens de la per- U®
sonne qui consulte, les élémens, les noms de douze animaux destinés à
énumérer les années, les jours et les heures, telle est la matière des
principaux thèmes d’où ils prétendent déduire les causes des sympathies
ou des antipathies des choses et des personnes. Par exemple, ils observent
quels jours .sont nés l’homme et la femme deja unis ou destines a ietre,
et, voyant que le premier est né le'jour du chat et la femme le jour du
rat, ils prononcent qu’ils ne doivent pas s’unir ou qu’ils doivent se séparer
, • parce que le chat prend le rat et le mange. Mais si l’un étoit né
le jour du buffle et l’autre le jour de la chèvre, comme ces animaux sympathisent,
l’union des consuitans ou leur cohabitation pourroit avoir
lieu. Ils font des raisonnemens semblables pour la divination par les
élémêns, &c.
La secte de F o , qui prit naissance dans l’Inde au onzième siècle
avant Jésus - Christ, eut pour fondateur le célèbre Bouddha (1), nommé
Pat ou Pehât chez les Anamites ou les Cochinchinois, et Fo en Chine.
Sa doctrine écrite, dit-on, sous la dictée de deux esprits, démons ou
génies, ne s’introduisit chez les Chinois que l’an 70 de notre ère. Ses
sectateurs professent deux doctrines : l’une extérieure, relative au culte
des idoles; l’autre, qui est intérieure, contient l’explication de la première
, et n’est au fond qu’un pur athéisme : celle-ci n’est révélée qu’à
un très-petit nombre d’adeptes.
Ils enseignent aussi la métempsycose (2). Dans tout être humain , il y
a , disent-ils, trois ames : une seule accomplit la métamorphose; la seconde
reste dans le tombeau ; la troisième descend aux enfers, et, après y avoir
subi sa peine, elle monte au ciel et se réunit à d’autres.
Les esprits tutéiaires (3), et un nombre prodigieux d’idoles, divisées
(1) Cette secte de Bouddha, persécutée par les brames, modifia plus tard sa doctrine; mais
c’est de sa religion primitive qu’il est ici question.
(2) Les disciples de Fo persuadèrent sans peine à un peuple simple et crédule que leur
maître étoit né huit mille fois, qu’il avoit. passé successivement dans le corps de différens animaux,
et paru sous les figures de singe, de dragon, d’éléphant, &c. : aussi ces différentes bêtes
furent-elles adorées en plusieurs endroits. ( Du Halde, ibïd. t. I I I . )
(3) Les sectateurs de Fo regardent les esprits tutéiaires, dit du Halde ( op. cit. ) , comme
l’homme
société.