
aller visiter le jardin botanique et le moulin à poudre, situés dans le voisinage
l’un de l’autre, à deux lieues dans le Sud-Ouest de la ville (voy. pi. 2).
MM. de Gestas j Lamarche, Gaimard etGaudichaud firent aussi ce voyage.
Nous vîmes avec beaucoup d’intérêt ce jardin, qui est vaste et très-bien
tenu, quoique les plantes n’y soient classées d’après aucun système de botanique.
Il contient un grand nombre de végétaux rares, et précieux, parmi
lesquels il faut compter l’arbre à pain, le bancouiiler, le jambier de
Malaca à fruits blancs, le canneilier, le giroflier, le poivrier, le camphrier,
le vanillier, le cacaotier, &c. &c. On nous montra aussi un champ de thé,
plante qui est cultivée en grand avec succès : le R o i, pour essayer de
naturaliser au Brésil ce précieux arbrisseau, a fait venir de Macao des
Chinois qui le cultivent à la manière de leur pays ; l’essai a parfaitement
réussi, et le développement de cette culture n’est plus retardé aujourd’hui
que par l’insouciance et l’incurie portugaises. On étoit occupé de
la récolte ; mais le directeur du jardin, pensant que nous verrions avec
intérêt les diverses préparations qu’on fait subir à cette plante avant de
la mettre dans le commerce, ordonna aux Chinois de nous en présenter
tous les détails, et voici ce que nous observâmes. Une bassine large et
peu profonde est assujettie sur un fourneau dans lequel se fait un petit feu
clair , c’est-à-dire, bien flambant : on jette dans cette bassine les feuilles
de thé fraîchement cueillies ; elles y sont continuellement et légèrement
manitls tandis qu’elles s’échauffent; puis, de là, on les met sur une table
striée, où elles sont roulées avec la main, telles que nous les voyons ;
enfin, on les passe à travers des cribles de différentes grosseurs, pour
séparer les qualités, le plus fin étant le plus estimé. Ces procédés, que
M. Gaudichaud trouva être, à très-peu de chose près , les mêmes que
ceux qui sont décrits dans les. ouvrages français d’histoire naturelle , sont
si simples, que je ne conçois pas pourquoi l’on avoit fait venir, à
grands frais, des Chinois pour exécuter ce travail. Du the cultive et
préparé dans ce lieu nous fut offert ; nous ie trouvâmes excellent.
Le nombre infini de fleurs qu’il y a dans ce jardin attire toujours une
multitude d’oiseaux et d’insectes : je n’ai vu nulle part tant de jolis colibris
et d’oiseaux-mouches ; nous ne nous lassions pas d’admirer la vivacité
des mouvemens de ces petits êtres, et la variété de leur plumage.
LIVRE I.er — De F r a n c e a u B r é s i l in c l u s iv e m e n t . 3 7
Nous observâmes sur-tout, avec étonnement, de grands papillons dont
les ailes eussent pu couvrir les deux mains, à côté d’oiseaux excédant
à peine en grosseur les frelons de nos vergers.
Près de ce vaste emplacement, destiné sur-tout à la culture des plantes
exotiques, se trouve la fabrique royale des poudres : un accident, arrivé
depuis peu, avoit fait saùter en l’air le moulin ; mais les magasins , qui
heureusement se trouvoient assez éloignés du point de l’explosion ,
avoient échappé au désastre.
Tandis qu’à l’observatoire nous nous occupions à démonter nos ins-
trumens et à les renvoyer à bord, MM. Quoy et.Gaimard allèrent à la
maison royale de San-Christova5 , à trois milles marins dans l’Ouest*
Nord-Ouest de la ville (voye£ pl. 2), dans le dessein d’assister aux fêtes
qui eurent lieu le 24 janvier, à l’anniversaire de la naissance de la
princesse Léopoldine, épouse du prince royal. Pendant trois jours, il
y eut des courses de taureaux dans une vaste enceinte préparée à cet
effet à peu de distance et en face du palais du Roi.
« Devant la cour et la ville assemblées , dit M. Quoy, parut dans
» l’arène un taureau assez pacifique , auquel , par excès de précau-
» don , on avoit enveloppé l’extrémité des cornes, pour lui ôter, du
» moins en partie , les moyens de nuire de ce côté-là. Des coureurs, élé-
» gamment habillés, allèrent l’exciter en agitant des voiles rouges, et en
i lançant des dards qui s’attachoient à la peau de l’animal. Lorsque, ces
» coureurs sont trop pressés par le taureau, ils escaladent les ban-
» quettes, ou se cachent dans dès couloirs étroits pratiqués exprès.
» Un personnage de distinction, ordonnateur des jeux, couvert d’un
» manteau court de soië noire, et monté sur un beau cheval blanc, se
» tint la tête nue dans l’arène, vis-à-vis du Roi, tandis que quatre autres
» cavaliers , tous de la classe des nobles, et magnifiquement habillés selon
» l’ancien costume français , attaquèrent et excitèrent le taureau avec des
» lances blanches, longues et très-fragiles ; ils en cassèrent souvent, qui
» furent aussitôt remplacées par d’autres que leur donnoient les coureurs.
» Un taureau ayant été tué d’un coup de lance par un des cavaliers , frit
jg aussitôt enlevé par un équipage de mules et remplacé par un autre.
» Lanimal paroît-il fatigué, on l’excite de nouveau , et, à l’instant où