
1818. juger par celui des trous dont le terrain est criblé, doit être extraor-
S e p t em b r e . >. d maire. »
Le 23 , dès le matin,- notre infatigable botaniste commença une nouvelle
herborisation , et se dirigea d’abord vers la partie Nord de la presqu’île,
avant de s’enfoncer plus avant dans les bois.
« Parvenu sur une petite éminence, j’y aperçus, dit-il, une espèce de
cirque entouré d’arbrisseaux épais, au centre duquel- dix ou douze morceaux
de bois plantés en rond, rapprochés par le haut, formoient une
sorte de dôme de sept pieds de hauteur, dont le sommet seulement étoit
chargé de broussailles. Je pris^l’abord cette carcasse pour les restes d’une
vieille case des misérables habitansde ces contrées; mais après un examen
plus attentif, je jugeai impossible que cette charpente eût été employée
à un tel usage; il me parut plus vaisemblable que c’étoit une espèce
déchauguette. En effet, un des supports, plus incliné que les autres,
m’ayant servi pour monter au faîte, ma vue ne s’y trouva bornéè nulle
part, et put se porter aux alentours à une grande distancé. Là, j’aper-
cevois la corvette au mouillage; ici, une embarcation venant à terre, et
l’île Dirck-Hatichs, qui se perdoit à l’horizon; plus loin, le vaste bras de
mer qui avoit failli d’être funeste à MM. Gaimard et Gabert, plusieurs
étangs desséchés, enfin une étendue prodigieuse de terrains d’une effrayante
monotonie. Des-lors la destination que j’avois supposée à ce singulier
échafaudage ne me parut plus douteuse; et une autre particularité, à
laquelle je n’avois pas d’abord pris garde, vint me confirmer dans ma
manière de voir. Tous les arbrisseaux qui cernoient cette enceinte, formoient
autant de berceaux de près de trois pieds de hauteur, devant lesquels
étoient de petits tas de cendre et de charbon, chacun desquels
indiquoit la place d’un foyer ; ces vestiges témoignoient clairement que
quelque horde de sauvages étoit venue naguère chercher en ce lieu un
abri. Que de pensées vinrent alors s'offrir à mon esprit ! Étoit-ce le point
de ralliement dune de ces tribus! et le belvédère, construit au centre,.
etoit-il fa place dune sentinelle? On peut conjecturer, en effet, que les
habitans de ces misérables parages se font la guerre ', et le faisceau
d armes dont iis se montrent toujours munis, semble prouver qu’elles
leur servent a cet usage autant qu’à la chasse et à la pêche.
LIVRE II. — Du B r é s i l à T im o r i n c l u s i v e m e n t . 469
» Etoit-ce le théâtre de leurs cérémonies religieuses ? La conscience
d’une puissance surnaturelle se retrouve chez tous les hommes sauvages;
pourquoi ceux-ci_n’auroient-ils pas un cuite quelconque, et con-
séquemment dès çerémonies ? Pourquoi ne seroit-il pas permis de croire
que cette construction centrale étoit un autel consacré à l’adoration des
objets de leur croyance ?
» Ces peuplades ont-elles des chefs, des assemblées, des jeux, des
fêtes? on doit le penser : peut-être alors 'ce point élevé, placé au milieu
d’un grand nombre d’individus, devient parfois le siège momentané d’un
roi, d’un chef de famille ou de tribu, de deux jeunes époux, d’une victime
C’est en faisant ces réflexions que j’arrivai au camp. »
Le 2.5, on commença à porter à bord les instrumens de notre observatoire,
ainsi que les objets de campement qui avoient été descendus à
terre ; nous disposâmes tout aussi pour notre prochain appareillage, qui
eut lieu le lendemain vers les onze heures du matin.
Mon projet étoit de m’approcher des îles de Doore et de Bernier, qui
forment la limite occidentale de la baie, et dont la géographie, encore
imparfaite, intéresse les navigateurs : en conséquence, je fis diriger dessus,
la sonde à la main ; mais avant qu’on eût pu distinguer nettement les
rivages de ces îles, un banc de sable sur lequel la corvette resta échouée
quelques instans, nous força d’abandonner cette entreprise. La prudence
voulut que nous missions à l’ancre pendant la nuit. Le lendemain 27, nous
remîmes promptement sous voile, et manoeuvrant pour sortir de la baie
par sa passe septentrionale, nous fîmes route vers l’île Timor.
Mais, avant de nous transporter sur ce nouveau théâtre de nos opérations,
il convient de jeter, selon notre coutume, urt coup-d’oeil sur l’ensemble
des principaux faits que nous avons recueillis pendant la relâche :
ce sera le sujet du chapitre suivant.
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