
De l’homme
en société.
manquoient jamais d’invoquer l’assistance (i). En parlant des indigènes
de Java, qui ont une religion toute semblable, Crawfurd-entre dans
des détails qui font exactement connoître la mesure de leur crédulité.
« Les Banaspati, dit-il ;(2'), sont de mauvais esprits qui habitent de
grands arbres, et qui errent tout autour, pendant la nuit, pour
faire du mal; les Bârkasahan, de mauvais génies répandus dans
l’air, et allant çà et là, sans avoir aucune habitation fixe. Ils nomment
Dâmmit de bons génies qui, sous forme humaine, sont les protecteurs
tutélaires des maisons et des villages; Prayangan, d’autres génies
qui, prenant la forme de belles femmes pour ensorceler les hommes,
produisent la folie : ceux-ci habitent les arbres, et se plaisent sur - tout
au bord des rivières. Les Kâbo-Kâmalé sont de mauvais génies du sexe
masculin : ils se montrent ordinairement sous la forme d’un buffle;, mais
prennent aussi, quand ils le veulent, celle des maris pour tromper leurs
femmes. Ils ont encore de malins esprits, portant le nom de Wéwé, qui,
sous l’aspect de femmes gigantesques, enlèvent les enfans. Uês Dadm-
gawan enfin protègent les habitans des forêts, et particulièrement les
animaux féroces et les chasseurs.
On regarde comme Sorciers, à Timor, tous les étrangers qui ont les
cheveux rouges, et on leur attribue la plus grande puissance. Les vieilles
femmes qui se mêlent de donner des remèdes,. sont aussi réputées
habiles dans l’art des maléfices et des conjurations. N’est-il pas singulier
de voir, dans tous les temps et chez presque tous les peuples, les vieilles
femmes en possession d’une pareille renommée? Les Malais de Coupang
appellent ces sorciers swangghi, du chinois souan+ki [supputer-le
bonheur], et l’on a pour eux une vénération mêlée de crainte.
PlusieursTimoriens ont des fétiches, ou divinités tutélaires, auxquels ils
adressent leurs voeux : une pierre, un arbre, tel est ordinairement l’objet de
ce cuite. D’autres portent sur eux certains colliers ou certaines combinaisons
de substances, capables, disent-ils, de les préserver de tout malheur,
et auxquels, par conséquent, ils attachent un très-haut prix. Ordinai-
( i) Voyez V a len tyn , Beschryvinge van Amboina &c,
(2) Crawfurd, op. cit. t. I.
LIVRE II. — Du B r é s i l À T im o r i n c l u s i v e m e n t . 637
rement ces amulettes se composent de morceaux d’étoffè ou de fe r , d os
d’animaux, de cheveux, &c.
Selon Pigafetta (1) , les naturels croient que, lorsqu’ils vont couper du
bois de sandal, le démon leur àpparoît sous diverses formes, pour leur
demander les choses dont il a besoin, et qu’épouvantés de cette apparition ,
ils en restent ordinairement malades pendant plusieurs jours. Des gens
moins prévenus eussent pu présumer, sans doute, que leur maladie n’étoit
occasionnée que par les miasmes délétères mêmes qui s’exhalent de cette
espèce de bois.
Une concrétion dure et solide qui se forme quelquefois dans l’intérieur
des noix de coco , est considérée par eux comme un talisman
précieux, capable de rendre inaccessible aux voleurs ia maison qui en
est munie. La même superstition est attachée aux calculs biliaires du
corps humain : protégé par un pareil trésor, le guerrier peut impunément
s’exposer dans les combats; il est sûr que sa pierre le met au-
dessus de tout danger (2).
Culte. — Les prêtres timoriens, à-la-fois devins et aruspices , sont au
nombre de quatre dans chaque ville : le plus ancien est. le chef. Ils
lisent l’avenir dans les entrailles des victimes; les poulets sont les animaux
qu’ils consultent le plus souvent, mais ne sont pas les seuls. Les
devins sont consultés dans toutes les affaires de quelque importance ; avant
de déclarer la guerre, de livrer une bataille, comme aussi pour en connoître
l’issue, &c. &c. Leurs fonctions sont héréditaires. Quand le grànd-
prêtre monté à cheval, l’usage des selles est interdit à tous ceux qui
l’accompagnent , lui seul ayant alors le droit de monter un cheval
sellé. Ce cas excepté', l’interdiction des selles, m’a-t-on assuré, n’existe
jamais à Timor (3).
Temples. — Dans chaque ville un peu importante, on remarque une
maison de forme conique, recouverte en feuilles de palmier, et soutenue
par des poteaux dont les extrémités inférieures représentent, gros-
( i ) Primo Viaggio intorno dl globo, &c;
(2) Voyez Péron, Voy. aux Ter. austr., t. IV, 2.e édition,
(3 ) Je dois avouer que l’explication qui m’a été donnée à ce sujet ne m’a jamais paru fort
intelligible.
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