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disposées d’une manière convenable, et soumises à i’épreuve
d’un sévère examen? Je ne l’ai pas pensé; et je crois encore
qua une époque où l’instruction est devenue en quelque
sorte vulgaire, ce seroit se jouer d’un public éclairé que de
lui présenter , sous un titre pompeux, des assertions douteuses
ou erronées.
Mais les savans, ceux que l’objet technique de l’expédition
intéresse spécialement, n’avoiènt-ils pas aussi le droit de réclamer
la partie de mes travaux la plus essentielle polir eux ?
« Que nous importent vos aventures, eussent-ils pu me dire;
» hâtez-vous de nous faire connoître ce qui est du domaine
» des sciences. De trop longs délais peuvent détruire tout le
» fruit de votre expédition ; d’autres voyageurs peuvent s’em-
* parer des découvertes que vous avez faites; craignez de
» venir trop tard, avec des documens surannés, nous ap-
» prendre des faits déjà connus. »
J ’ai senti tous ces inconvéniens ; et si je n’ai pu réussir à les
éviter entièrement, j’ai du moins la conscience d’avoir fait
tous mes efforts pour y parvenir. Certes, jë ne crains pas que
ceux qui me connoissent, et qui ont vécu dans mon intimité,
viennent m’accuser de négligence : ils savent avec quelle assiduité
et dans quelle situation de corps et d esprit j’ai poursuivi
sans relâche un long et pénible travail; ils me tiendront
compte de mes sacrifices, et j’aime à me flatter que je trouverai
justice auprès d’eux.
Quant aux personnes qui s’imaginent que les plus graves
matières peuvent se traiter avec la promptitude ou la légèreté
qu’on apporte à la rédaction de ces morceaux éphémères faits
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pour amuser chaque jour le public, je m’attends d’avance à
toute l’amertume de leur critique, et suis prêt, à supporter
le blâme qu’il leur plaira de faire retomber sur moi.
Cependant, si j’eusse voulu ne faire usage que de mes seuls,
journaux, la publication de ce voyage auroit été aussi prompte
que facile. J ’ai cru devoir suivre une autre marche, et employer
à la composition de cette histoire l’ensemble des matériaux
recueillis dans le cours de mon expédition. Jadis, le
chef d’une entreprise de cette nature faisoit seul imprimer le
résultat de ses observations; mais lorsque , comme, moi, l’on
a eu un grand nombre de compagnons de voyage instruits
et laborieux, qui tous ont tenu des journaux, les ont remplis
de leurs réflexions particulières, chacun selon les facultés
de son esprit, l’étendue de son zèle ou la nature des événe-
mens dont le hasard l’a pu rendre témoin, pourroit-on, sans
mériter de justes reproches, condamner tant de richesses au
néant ? Je me suis fait une loi d’examiner avec soin ces journaux,
de faire servir au perfectionnement de mon travail ce
qu’ils contenoient d’important et d’utile, et de former du tout
un corps méthodique et régulier, où j’aurois voulu répandre
un intérêt constamment soutenu.
Le tableau que je donnerai plus bas des personnes composant
l’état-major de l’expédition fera connoître à-Ia-fois les noms
de. ceux qui ont concouru à cet ouvrage; mais je ne puis
m’empêcher de faire ici une mention particulière des journaux
que j’ai consultés le plus fréquemment : les manuscrits
de MM. les docteurs Quoy, Gaimard et Gaudichaud, ont
été pour moi une source féconde où j’ai puisé les plus utiles