
Rio de Janeiro, on sonna l’alarme ; une foule d’habitans se réunirent en armes aux soldats
Esquisse histor. j,r£sjjjens | auxquels le prince avoit ordonné de serassembler dans le Campo
de S. Anna. ( Voyez pl. 3. ) Les militaires portugais , au nombre de seize
cents, s’étoient emparés du château qui domine la ville : le peuple, furieux,
vouloit marcher contre eux; le prince seul (1) s’y opposa, et sut
ménager les esprits avec tant d’habileté et de prudence, que, sans effusion
1822. de sang, il obligea les rebelles à sortir de la ville et leur enjoignit de se
cantonner à Praïa - Grande, de l’autre côté de la bafe.
On fit aussitôt des préparatifs pour renvoyer les troupes portugaises
en Europe ; mais comme elles s’y refusèrent en se déclarant en état d’insurrection
ouverte , le prince jeur fit signifier qu’elles s’embarqueroient de
gré ou de force, le 5 février. Tout sembloit annoncer une vive résistance.
Cependant D. Pedro avoit pris ses mesures : un cordon nombreux
de soldats brésiliens et de milices cerna les révoltés tant par
mer que par terre; les habitans de Praïa-Grande eurent ordre de refluer
dans le pays, en emmenant ou emportant avec eux tous les bestiaux ,
tous les vivres qui leur appartenoient; et à compter du jour fixé, les
soldats rebelles ne reçurent plus ni solde, ni provisions. Réduits ainsi
à la famine, et ne s’attendant pas à autant d’énergie de la part d’un prince
de vingt-deux ans, ils capitulèrent enfin, montèrent sur les vaisseaux
qui les attendoient et gagnèrent bientôt la pleine mer.
Sur cès entrefaites, des renforts arrivèrent des provinces de San-Paulo
et de Minas-Geraes ; heureusement leur coopération n’étoit plus nécessaire
; mais , à leur empressement et à l’exaspération qui- régnoit
à Rio de Janeiro, on put juger que si un engagement avoit eu lieu,
les troupes portugaises eussent indubitablement été taillées en pièces.
L’action vigoureuse dont nous venons de rendre compte n’étoit pas
de nature à satisfaire à Lisbonne ; aussi dut-on s’attendre que la métropole
emploieroit tous les moyens possibles pour faire rentrer le Brésil
dans les bornes de la dépendance qu’on prétendoit lui imposer. D’un autre
côté, les Brésiliens étoient bien loin de vouloir se soumettre ; et ce peuple,
naturellement doux et pacifique, aigri par la crainte de la tyrannie qui le
(1) Ses ministres avoient donné leur démission, dès qu’ils I’avoient vu adhérer aux voeux des
Brésiliens.
LIVRE I.cr — D e F r a n c e a u B b é s i l in c lu s i v e m e n t . 7 1
menaçoit, supplia le prince d’accepter le titre de son Défenseur perpétuel.
D. Pedro, par son activité, par la fermeté et la franchise de son caractère,
avoit su gagner tous les coeurs, rallier tous les esprits; bientôt il
n’y eut plus qu’un seul cri, qu’un seul voeu dans toutes les provinces:...
l’indépendance du Brésil et l’élévation du prince à la dignité d’empereur !
Le 12 octobre 18 2 2 , anniversaire de sa naissance , fut le jour fixé
pour son acclamation (1). « Il est difficile, m’ccrivoit peu de temps
r après cette époque mon respectable ami l’abbé Boiret, de se faire
| une idée de la joie et de la satisfaction que la population toute
P entière de Rio de Janeiro a montrée le jour de ce grand événement.
" Sept arcs de triomphe érigés par les différentes corporations de la ville
" avoient été distribués sur le passage du prince ; celui des dames brér
" siliennes étoit le plus élégant et le plus magnifique : les rues jonchées
« de fleurs, les murailles couvertes de tapisseries, de glaces et de ta-
" bleaux, formoient de brillantes galeries , au milieu desquelles des nuées
" de feuilles de roses tomboient de toute part; l’agitation des mou-
JS choirs blancs, dont tous les spectateurs étoient pourvus, les cris de
" vive l ’empereur qui annonçoient le passage du prince long-temps même
» avant qu’on pût l’apercevoir, tout, joint à la gaieté qui brilloit dans
» les regards de chacun des habitans, portoit dans i’ame un bien-être et
" une satisfaction inexprimables. »
L acclamation eut lieu dans la vaste plaine du Campo de S. Anna (2).
Lempereur, sous un dais magnifique porté par des membres des principales
autorités des provinces, entouré des personnes les plus notables de
Rio de Janeiro, et de tous les officiers militaires, se rendit à la chapelle
impériale, où l’on chanta le Te Deum; il y eut ensuite neuf jours
d’illuminations : l’enthousiasme étoit au comble.
Le 1 ,er décembre de la même année, l’empereur D. Pedro I .'r fut
sacré par trois évêques, cérémonie qui donna lieu à de nouvelles réjouissances.
Ainsi que je lai dit plus haut, la ville de Bahia s’étoit montrée seule
(1) AcclamaçaÔ, proclamation ; cérémonie d’inauguration à un poste éminent.
(2) Voyez pl. 3. En mémoire de cet événement, cette place porte depuis lors le nom de
o campo da Acclarnaçao.
1822.