
6 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Objet économique; il pouvoitnous fournir sept mesures d’eau pour une mesure
préparatifs charhon de terre, et satisfaire amplement à nos besoins journaliers,
et départ. j e donnerai ., à la fin de cette histoire,. une description de l’appareil
dont il s’agit, et parlerai alors , avec détail, de ses produits et des grands
avantages dont il peut être pour les navigateurs.
Quelques savans avoient élevé des doutes sur la salubrité de l’eau de
mer distillée dont 011 feroit un usage habituel : pour dissiper toute espèce
de scrupule à ce sujet, le Ministre de la marine ordonna que des expériences
prolongées fussent faites dans les principaux ports de France ; le
résultat fut entièrement en faveur du nouveau procédé, ainsi que je le dirai
plus particulièrement ailleurs.
En sus du grément et des voiles que nous avions en place, nous reçûmes,
des magasins dti port, des rechanges de toute espèce pour deux ans ; on
nous remit aussi un assortiment considérable de grosse et de petite quincaillerie,
de grappins, de cablots, d’armes et de poudre de guerre, & c .,
destinés soit à entretenir des relations amicales aveç les sauvages, soit à
nous procurer chez eux les rafraîchissemens dont les marins sont toujours
avides. Enfin, et pour que rien ne restât imprévu dans une expédition
soumise à tant de chances diverses, une somme de 10000 fr. en piastres ,
au-dessus des crédits ordinaires , me fut confiée pour faciliter , s’il y avoit
lieu, les approvisionnemens du vaisseau.
Parmi les objets d’avitaiüement que nous embarquâmes, il en est dont
l’emploi offre aux navigateurs de trop grands avantages , pour que je ne
doive pas présenter à ce sujet quelques réflexions. Je parlerai d’abord de
la gélatine obtenue par les procédés de M. d’Arcet.
On sait, par les curieuses expériences de M. le docteur Magendie (1),
que les substances azotées sont les seules qui fournissent une véritable
nourriture à l’homme ; les autres, qui ne font que lester en quelque sorte
l’estomac et les intestins, ne sont nullement propres à ia nutrition. Le
blé nourrit peu, et seulement en raison du gluten qu’il contient (2) ; mais
il est facile d’augmenter sa propriété nutritive , ainsi que celle de quantité
(1) Annales de chimie et de physique, tom. I I I , pag. 66; Paris, 18,16.
(2) Voyez à ce sujet le mémoire cité de M. Magendie, et un mémoire de M. Michelot, sur la
Gélatine extraite des os parle procédé de (Vf ,d} Arcet, dans la Revue encyclopédique de janvier 1822.
d’autres alimens, en y ajoutant de la gélatine, qui est une substance azotée
par excellence.
Nous avons fait usage de la gélatine pour les soupes de l’équipage ,
en la mêlant toujours, soit à des légumes, soit à de la viande; car par elle-
même la gélatine n’a aucune saveur : l’emploi nous en a paru très-satisfaisant,
et nous n’y avons réellement reconnu d’autre inconvénient (1) que
l’extrême difficulté de la dissoudre.
Cette difficulté avoit été prévue avant notre départ ; M. Rejou, pharmacien
de la.marine à Rochefort, eut même la complaisance de m’adresser
une note sur un procédé qu’il avoit imaginé pour arriver plus facilement
au but. Après avoir d’abord fait tremper ia gélatine dans de l’eau jusqu’à
ce quelle fût gonflée, oh la mettoit dans une marmite fermée de son couvercle,
qu’on plaçoit ensuite au four lorsqu’on en avoit retiré leypain : cinq
à six heures après, ia gélatine étoit fondue et propre à l’usage qu’on vouioit
en faire. Cette méthode, qui est bonne, le cède de beaucoup aujourd’hui,
pour la rapidité, à celle où i’onemploieia marmite autoclave perfectionnée (2);
(1) Je ne parle pas d’un défaut très - remarquable qu’avoit la plus grande partie de notre
gélatine, parce qu’il tenoit uniquement a la négligence du. fabricant qui nous'l’àvoit fournie.
Cette gélatine étoit d’une acidité^insupportable. Nous parvenions bien, par le lavage, à lui
enlevér cette acidité; mais l’opération étoit fort ennuyeuse; elle obligeoit à une surveillance
particulière : ce qui, certainement, a beaucoup nui à la consommation que nous eussions faite
sansj.cela.de la gélatine que. nous avions à bord.
(2) La marmite autoclave ordinaire seroit fort dangereuse entre, des mains inhabiles ; mais
Iorsqu elle est garnie des soupapes additionnelles de sûreté qu’on a imaginées récemment, la
direction de l’appareil peut être confiée même à un enfant, sans qu’on ait à redouter le
moindre accident. Les soupapes.'dont je veux parler consistent en deux rondelles d’un métal
fusible, l’une à la température de ï i8d du thermomètre centigrade, l’autre à >130**. S i, par une
'circonstance imprévue, le jeu de la soupape à ressort étoit interrompu , la tension de là vapeur
et;par conséquent sa température seroient augmentées : la première rondelle, venant alors à se
fondre , donneroit issue à la vapeur long-temps' avant que le danger d’une explosion pût être
a redouter. On conçoit que la deuxième rondelle n’est ici placée que par un excès de précaution
dont probablement l’utilité ne se fera jamais sentir. Une marmite autoclave perfectionnée doit
pouvoir soutenir sans risques une tension de vapeur au moins de 15 atmosphères, ce qu’il est
toujours facile.de déterminer par expérience. Or, la température de 1 1 8d, à laquelle la première
rondelle sè fondra, repond a-peu-près a une tension de 2 atmosphères; la rondelle fusible
à 130 s ouvriroit sous celle de 3. Cette explication suffit pour rendre sènsible l’extrême sécurité
qu’un appareil de ce genre doit offrir.
La rondelle qui peut se fondre à i i8 d, contiendra 8 parties de bismuth, 8 de plomb et
6 d étain ; celle qui se fond à 1 3od est un alliage de 8 parties de bismuth, 10 de plomb et 8 d’é-
tain. Je dois ces détails à l’obligeance de M. d’Arcet.
Objet
du voyage ;
préparatifs
et départ.