
De l’homme
comme
individu.
on peut toujours avoir à bord des vaisseaux, à l’aide des préparations
d’Appert. Au nombre des fruits des tropiques qui peuvent être permis,
nous ne connoissons que latte, la crème de coco et la mangue.
» Cette seconde période de la dysenterie, où la maladie est parvenue
à l’état chronique, est celle pendant laquelle l’alimentation maintient
assez long-temps les forces, et répare les pertes occasionnées par les
selles, en général fréquentes et toujours plus ou moins sanguinolentes.
Un tel état ne peut durer; car, par suite de l’irritation de l’extrémité du
tube intestinal, les alimens, ne faisant que passer par l’estomac, sont
rendus à moitié digérés, d’où résulte une faim insatiable. L’évacuation
augmente, et le malade meurt étique ou hydropique.
» Lorsqu’on a, pendant un temps, suspendu toute médication, on peut,
comme nous l’avons dit, essayer quelques sangsues à J ’anus, 4 ou 5
seulement, pour ne pas causer trop d’affoiblissemerit ; on les réappliquera
peu de jours après, si les selles diminuent et que le malade s’en trouve
bien. C’est alors qu’il faut faire usage de l’opium en lavement ou en
potion. Il calme, diminue les selles, et donne ainsi plus de repos au
patient; car la nécessité d’aller si souvent à la selle est un des plus terribles
tourmens causés par cette cruelle maladie.
» Si l’on juge que le mal est limité à une petite surface du colon
ou du rectum , on essaiera aussi l’emploi des rubéfians appliqués sur
l’abdomen; des bains froids, et, à l’extérieur, des préparations légèrement
astringentes, dont il faudra étudier les effets avec soin. On pourra
permettre alors l’usage de quelques-uns des fruits astringens des colonies
intertropicales.
» Cet état chronique de la dysenterie, si bien marqué dans les climats
tempérés, et qui peut durer un an et plus, est souvent à peine
indiqué dans les régions où de très-fortes chaleurs se joignent à une
excessive humidité pour faire avancer la maladie vers une terminaison
quelconque. Ces causes la rendent toujours redoutable sous les tropiques,
et l’on aura plus de chances de succès à mesure qu’on s’en éloignera.
» Malheureusement on ne peut se flatter de posséder toujours, à bord
des vaisseaux, le remède le plus énergique et le plus efficace pour la
guérison de la colite : nous voulons dire les sangsues. Lorsqu’on est
LIVRE II. — Du B r é s i l X T im o r i n c l u s i v e m e n t . 6 1 1
arrivé dans les lieux où cette maladie sévit, ces animaux sont morts, ou
bien ils ne sont plus en assez grand- nombre pour fournir aux besoins ;
car, bien que la dysenterie ne soit pas contagieuse, il est rare que plusieurs
individus n’en soient pas atteints en même temps. Et ce qui n’est pas moins
fâcheux, on n’a pas encore trouvé ces annélides en grand nombre dans les
régions où la dysenterie est le plus commune. Nous avons été dans ce cas.
L’opium alors est le médicament qui, au début de la maladie, nous a paru le
plus efficace (1) : dans deux circonstances, il a même complètement enrayé
le mal; nous étions à la vérité alors, comme nous l’avons déjà dit, par une
latitude assez froide. Mais dès qu’on s’aperçoit que l’opium augmente
les symptômes inflammatoires , il faut en cesser l’usage, et se borner à
la diète, aux bains, aux boissons, aux fomentations émoliientes, &c.
» Quoique les préceptes que nous présentons ici ne soient que généraux,
toute personne, même étrangère à la médecine, peut en suivre la
liaison, en apprécier jusqu’à un certain point la justesse, et voir combien
ils diffèrent de ceux qui avoient été proposés jusqu’à ce jour, où
l’on ne trouvoit qu’incohérence et incertitude. Le fondateur de la médecine
physiologique , en faisant mieux connoître le caractère et la
marche des phiegmasies intestinales, a donc naturellement aussi éclairé
leur traitement. »
» Réfutation du système de Pérou. — « On ne peut assez être en garde
contre les fausses théories ; et lorsqu’elles ont de l’influence sur la vie
des hommes, c’est un devoir de les combattre. Par ces motifs, nous ne
saurions passer sous silence le moyen que conseille, pour se préserver
de la dysenterie des pays chauds, un savant au mérite duquel nous nous
plaisons à rendre d’ailleurs la plus éclatante justice. Péron, dans son Mémoire
sur cette matière (2), dit que les naturels de Timor se préservent
de la dysenterie par l’usage du bétel, des bains et des frictions d’huile
de coco; il laisse croire même que c’est au premier de ces deux moyens
qu’il a dû de ne pas en être atteint : mais la chaux vive, le tabac, le
poivre-bétel, le gamber et la noix d’arec, qui entrent dans la composition
de ce masticatoire, sont les styptiques et les astringens les plus
( i ) Je pense que le magnétisme animal pourroit être utilement employé. L. F.
(2) Voy. aux Terr. austr. Histor.
De l’homme
comme
individu.