
» La direction des montagnes, leur escarpement et leur position près
de la mer, annoncent, avant que i’expérience ie confirme, que ie cours
des rivières, qui sont ici en grand nombre, est aussi irrégulier que borné :
ce sont plutôt de grands torrens tombant en cascades (1), et roulant leurs
eaux, profondément encaissées, au travers des laves. La Grande-Rivière
est remarquable sur-tout par la profonde vallée volcanique où elle coule,
dont les côtés sont coupés perpendiculairement, et par la chute en
cascade d’une portion de ses eaux, chute qu’on ne peut évaluer à guère
moins de trois cents pieds de hauteur.
» En général, presque toutes les productions volcaniques de l’Ile-de-
France se présentent en grandes masses basaltiques, homogènes et pesantes.
Par-tout on trouve à la surface du sol, ou enfouis dans une argile rougeâtre
, des blocs considérables arrondis ou rhomboïdaux de dolérite de
couleur grisâtre parsemée de grains d’olivine. Dans de certaines coupes
de terrains, ces blocs sont en si grande quantité, qu’on ne peut se refuser
d admettre qu’ils n’aient été ainsi entassés par des éruptions.
» Dans les différentes coulées basaltiques, les formes prismatiques sont
beaucoup moins communes qu’à l’île Bourbon. Je n’ai Vu de basaltes à cet
état qu’entre Mahébourg et le Port-Bourbon, au bas d’une montagne voisine
, d’où ils sembloient avoir roulé jusqu’au bord de la mer. Les prismes,
d’assez petites dimensions, paroissoient avoir appartenu à un filon basaltique
: leur hauteur n’étoit que de sept à dix pieds sur une circonférence
de douze ou quinze ; joints entre eux et articulés, ils avoient subi un
commencement de décomposition. On en rencontre d’un diamètre plus
grand qu’on emploie au pavage du chemin; mais je n’ai point eu occasion
d’examiner la localité où ils se trouvent, qui est, dit-on, voisine de la
montagne du Bambou : celle du Pouce a des basaltes en table mince et
d’autres en prismes triangulaires très-petits. En général, ces sortes de productions
volcaniques sont rares à l’Ile-de-France.
» Dans diverses plaines de l’île, on voit des roches arrondies, ayant
depuis un jusqu a six pieds de diamètre : quelques-unes sont à moitié
enfouies dans le sol; d’autres le sont entièrement. Ces roches, qui ont
(1) Celles du Tamarin , du Réduit, de Chimère ou de la Grande-Rivière, sont les plus
considérables. La cascade du Réduit, moins élevée que cette dernière, est plus volumineuse.
LIVRE II. — Du B r é s i l à T im o r in c l u s iv e m e n t . 3 8 1
évidemment subi l’action du feu, pourroient porter le nom de laves
basaltiques, à cause de leur pâte, qui semble être homogène, et de leur
grain fin et serré; la cassure en est brillante comme celle de certains
granits ; elles sont de couleur grisâtre et parsemées de petits cristaux d’olivine.
Lorsqu’on brise ces roches, on les trouve poreuses dans quelques-
unes de leurs parties; quelquefois c’est au milieu, d’autres fois à la
circonférence ; leur surface offre presque toujours des traces de décomposition.
Ce sont les meilleures pierres pour bâtir ; mais, à cause de leur
dureté, on ne peut les exploiter qu’en s’aidant de la mine. On leur donne
dans le pays le nom de pierres froides,
» Les 'tuffas volcaniques sont rares. Le plus remarquable se trouve
au Port-Louis, à la gauche du Trou-Fanfaron : il est argileux, poreux,
très-friable, de couleur grise veinée de noir ou de rouge, selon le degré
d’oxidation du fer qu’il contient; il est rempli d’une sorte de boules basaltiques
, dont la décomposition rapide à la surface présente des feuillets
concentriques; le milieu seul est compacte.
« Les laves de l’Ile-de-France diffèrent de celles de Bourbon, en
ce qu’on y remarque infiniment moins de cristaux de péridot. Je ne
sache pas non plus qu’on en ait trouvé dont les alvéoles intérieurs
fussent tapissés de soufre pur, comme on le voit quelquefois à Bourbon ;
mais aussi elles contiennent beaucoup de chabasie en très-petits cristaux :
c’est notamment en creusant au champ de Lort, limitrophe de la ville
de Port-Louis, qu’on en rencontre le plus.
» A l’Ile-de-France, les coulées de matières volcaniques semblent s’être
lentement accumulées en couches successives , tandis qu’à Bourbon, elles
ont eu, dans certains lieux, une puissance énorme. La montagne qui est
à l’Ouest de la rade de Saint-Denis en fournit entre autres un exemple.
» Dans la première de ces îles, on a vu quelquefois des portions de
squelettes de crocodiles engagées entre les laves et altérées par le feu, ce
qui indiqueroit que quelques-uns de ces animaux se sont laissé surprendre
par des coulées de matière en fusion. Maintenant, il n’en existe plus de
vivans , ni à Bourbon, ni à l’Ile-de-France. »
A ces observations de M. Quoy, je ferai succéder un petit nombre de
remarques qui m’ont été communiquées. Il y a quelques années que, lors