
l’homme
société.
chacun des rois de Timor peut mettre sous les armes en cas de guerre;
cette question tient à celle de la population, sur laquelle, comme on
l’a vu plus haut, nous n’avons eu que des notions assez incomplètes. Les
Portugais croient que la province de Bellos peut au besoin leur fournir
4o 000 guerriers, dont 3 000 armés de fusils, et le reste de sabres p<)|
de boucliers (2), lances, sagaies ou javelots (3)-, arcs et flèches; celle
des Vaïkénos, 25 000 hommes, dont 2 000 fusiliers, et les autres pourvus
d’armes du pays (4) : le kris est porté généralement par tous les
soldats. On dit que le roi de Vikéké ( 5 ) peut mettre sur pied, pour
son contingent, 6 000 hommes de guerre. Les Vaïkénos ont une cavalerie
plus nombreuse que celle des Bellos ; ils doivent sans doute cet avantage
à la disposition moins montueuse du sol de leur province; mais s’il y
a peu de chevaux chez les seconds , ils y sont bien exercés : on y voit encore
un grand nombre d’archers très-adroits, dont les arcs et les flèches sont
pareils à ceux des habitans de l’île Ombai (voyei pl. 35). Quelques-uns
de ces cavaliers portent parfois aussi de mauvais pistolets.
A Dillé, nous avons été témoins d’un simulacre de combat timorien
dont le gouverneur voulut nous donner le spectacle. Les combattans
se montrèrent d’abord armés de javelots, qu’ils se lancèrent réciproquement.
Pendant cet exercice, ils furent dans un mouvement continuel,
sautant, gambadant, poussant des cris affreux; tantôt se baissant presque
jusqu’à terre, puis s’élevant en l’air, ou s’élançant de côté et d’autre, pour
dérouter leurs adversaires qui cherchoient à les frapper. Leur adresse
et leur agilité sont telles , qu’en se tournant vivement de côté, ils
pouvoient arrêter en l’air et même renvoyer à leur ennemi le trait qu’ils
en avoient reçu. Ces mouvemens , au reste, s’exécutent avec tant de
( 1) Une poignée en corne de buffle, assez bien travaillée, mais d’une forme bizarre, rend
le maniement de leur sabre fort incommode.
(2) Ils ont deux sortes de boucliers : les uns sont grands, convexes, ronds, faits avec des
peaux de buffle desséchées; les autres, en bois, forment un parallélogramme convexe.
(3) lis portent ordinairement avec eux six sagaies. Pour lancer ce projectile, ils le tiennent
de la main droite et le posent au-dessus de l’épaule du même côté, dans une situation horizontale,
le poignet près de la naissance du bras. A l’instant où la sagaie doit partir, ils së frappent
fortement aveCia main gauche vers la région antérieure de .d’épaule.
(4) Des gourdins d’un bois dur, espèces de casse-têtes, sont parfois aussi employés.
(5) Voyez ph 17.
LIVRE II. — Du Brésil à T imor inclusivement. 7 1 1
promptitude, tant d’action, tant d’ardeur, qu’on leur voit bientôt ruisseler
la sueur sur ,le corps. Le combat à l’arc s’exécute d’une manière plus
posée; nous les avons vus atteindre à un but fort éloigné sans jamais
le manquer. A la guerre, les flèches et les kris qu’ils emploient sont
souvent empoisonnés.
L’instrument de guerre pour régler la marche ou rassembler la troupe,
est un cornet à bouquin en bois, qui rend un son dur qu’on entend de
fort loin. Un bonnet en feuilles de latanier, et le désordre de leur chevelure,
qui ajoute à l’air farouche qu’ils affectent, sont les seuls signes
auxquels on reconnoisse les guerriers.
.Par suite du caractère inquiet et turbulent des Timoriens, iis courent
aux.armes sur le plus léger prétexte (1). Pour.eux la guerre n’est qu’une
occasion de pillage. Jamais ils ne s’attaquent en bataille rangée : se surprendre
mutuellement dans des embuscades ; fondre, dès qu’ils le peuvent,
vingt contre un sur un village; égorger tout ce qu’ils y trouvent, hormis
les jeunes femmes, dont ils font des esclaves; s’emparer des chevaux, des
troupeaux; brûler les maisons, détruire les cultures, et retourner enfin
chez eux en désordre et en toute hâte : tels sont le but et la conclusion
de leurs exploits.
Si par hasard deux troupes ennemies se trouvent en présence, elles
s’attaquent avec furie, mais sans aucun ordre. Les vainqueurs coupent
les têtes de tous leurs adversaires restés sur le champ de. bataille, et s’en
font de sanglans trophées : les hommes pris vivans hors des combats sont
faits esclaves, et chaque guerrier, en mémoire de sa victoire, porte au-
dessus du coude autant de bracelets d’argent ou d’ivoire qu’il a tué d’ennemis
corps à corps.
A la rigueur, un épi de maïs suffît ici à la nourriture d’un soldat pendant
trois jours.
Quoique les royaumes timoriens soient en général de peu d’étendue,
leurs .souverains forment fréquemment entre eux des alliances défensives
et offensives. Les relations de famille consolident naturellement
( 1 ) Quoique les peuples de l’intérieur soient constamment en guerre entre eux, les habitans
des bords de la mer paroissent y prendre peu de part. (Dampier, Voy. to New-Hoîî.
in M M
De l’homme
en société.
État politique.