
Kio de Janeiro, puissans Tamoyos, qui, selon de Léry, n’avoient.méme jamais pu les
Habitans vaincre ( [ ).
indigènes
actuels. Aujourd’hui ces diverses races n’offrent plus que de misérables et bien
foibles débris, que ce serait peut-être évaluer bien haut en les portant
en masse à deux mille ames (2). Qu’est devenue l’abondante population
primitive de ces contrées! Je ne répondrai pas que les Européens l’ont
dévorée ; et cependant c est a leur arrivée, à leur présence seule qu’est due
la ruine de ces diverses peuplades. Des guerres cruelles et acharnées h
d’immenses émigrations, l’esclavage, les travaux, pénibles, les mauvais
traitemens, les vexations, l’usage immodéré des liqueurs fortes, le libertinage,
les avortemens volontaires , furent et sont encore en partie pour
elles des agens actifs de destruction.
Arrêtera-t-on cette progression de maux ! reviendra-t-on à des erre-
mens plus humains, plus philosophiques ! rien n’est moins probable.
Aigris par d’innombrables et longues persécutions , par de perfides
déceptions sans cesse répétées, les Indiens sont devenus inaccessibles à
la confiance, et les promesses des Européens .n’exercent plus sur eux
aucun empire ! L’aversion des Botocoudes, peuples féroces et belliqueux,
s’est ranimée avec une nouvelle énergie; les Puris ne sont guère mieux
disposes; les Coroados, plus corrompus, n’offrent pas eux-mêmes de
grandes chances à de nouvelles tentatives de régénération. Cependant il
n’est pas douteux qu’un système de modération et de loyauté, combiné
par des hommes sages et éclairés, et mis en pratique par des gens
choisis avec discernement, pourrait faire prendre aiîx dispositions des
indigènes une tournure moins fâcheuse : si, par exemple, de vertueux
missionnaires ëtoient de nouveau appelés à faire entendre au milieu
de ces hommes grossiers des paroles de paix et de bienveillance, qui
oseroit désespérer que la persuasion n’opérât ici un de ces effets miraculeux
si fréquemment proclamés dans l’histoire de ces ; ministres de
Iévangile^... Mais non, ces moyens ne seront point employés : on persévérera
dans les voies de rigueur; la guerre deviendra éternelle et 11e
cessera qu’avec l’extinction totale des tribus belliqueuses .et fières à qui
( 1) Voyez plus haut, pag. *47,
(2) Ibid. pag. iÿ j.
LIVRE I.*r — De F r a n c e a u B r é s i l in c l u s iv e m e n t . 341
la Providence avoit légué de temps immémorial la possession de ces Rio de Janeiro.
riches contrées. Habitans
, , r ,, - , . , , , indigènes
JVL. tschewege pense quon pourrait, des aujourdhui, tirer un grand actuels.
avantage des Coroados, en les organisant en corps de soldats, service
auquel ils lui paraissent très-propres : sans vouloir juger du mérite de ce
projet, j’objecterai que cette organisation ne sauroit être la même que
celle de nos troupes européennes ; qu’on devroit l’adapter aux habitudes
de ces Indiens, en s’attachant à les réformer peu à peu; qu’on devroit
les instruire dans leurs aidées ; les rapprocher autant que possible des
lois éternelles de la civilisation et de l’ordre ; leur accorder des encou-
ragemens propres à élever leur ame, au lieu de les abrutir par l’abus
de perfides boissons. Mais jamais rien de salutaire en ce genre ne s’opérera
, tant que les subalternes mis en contact avec eux ne seront pas des
hommes honnêtes et raisonnables, tant qu’on n’éloignera pas ou qu’on
ne réprimera pas par de sévères châtimens les Européens méchans et
pervers qui se font un honteux plaisir d’irriter ces malheureux, et de
rendre par-là impossibles les avantages que la bonté paternelle du souverain
voulut leur procurer; qui semblent, en un mot, avoir pris pour
devise ces paroles, placées par Milton dans la bouche du prince des
ténèbres :
To do ought good never will be our task,;
But ever to do il! our sole delight H
Paradise lost, f>ook i.
(1 ) « Nous ne ferons jamais le bien; nous ne nous plairons qu’à mal faire. »
FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE DU PREMIER VOLUME.