
Rio de Janeiro. » seule goutte d’eau pour humecter leurs lèvres desséchees , ni permettre
Esquisse histor. ^ ,jjs reçussent > à ieur m0rt, les derniers sacremens et les consolations
» de la religion!.... Cinq d’entre eux périrent sous le poids de ces actes
» inhumains. »
Privés ainsi de leurs premiers législateurs, les Indiens durent etre soumis
à des réglemens nouveaux. On affecta d abord un directeur civil a chacun
de leurs établissemens : il falloit, dit la loi, qu il fut éminemment intègre,
zélé, prudent et vertueux ; qu’il connût la langue des naturels , et dirigeât
principalement son attention vers la civilisation des habitans ; i eveque
diocésain devoit surveiller l’instruction , et des prêtres , commis par lui,
leur donner des soins sous ce rapport.
Parmi les autres dispositions qui avoient été prises déjà, on doit citer
l’obligation de se distinguer entre eux par des noms de baptême, de bâtir
des maisons à la manière des Portugais; ia defense de laisser les jeunes
enfans se familiariser avec la langue tupi que parloient leurs parens, et
qui avoit été employée jusqu’à ce jour; 1 ouverture de deux ecoles par
établissement, une pour chaque sexe, dans lesquelles, outre les élémens
de la foi catholique, l’écriture et la lecture, les garçons apprendraient-
l’arithmétique, et l’on montrerait aux filles à coudre et à faire d’autres
ouvrages à leur portée, &c. &c. (i).
Les directeurs devoient sur-tout expliquer aux indigènes « que ieur
» situation misérable actuelle étoit ia conséquence de ieur manque d’in-
»» dustrie; et qu’un état n’est populeux, respecté et opulent qu’en raison
» de l’industrie des habitans (2 )^ '■
On engagea les colons blancs à venir demeurer chez les Indiens, et il
leur fut concédé des terres à cet effet; on exigeoit « que les uns et les
» autres vécussent ensemble dans les termes «d’une concorde et d’une
» bienveillance réciproques, conformément à cette égalité qui doit exister
» entre les mêmes vassaux de Sa Majesté.
» Il étoit aussi fortement prescrit aux directeurs de ne négliger aucun
» moyen de faire disparoître l’odieuse et abominable distinction entre les
» blancs et les Indiens, introduite par l’ignorance et par l’iniquité. Pour
(1) Op. cit. t. I I I , p. 523.
(2) Ibid. p. 525.
». arriver à ce but, il étoit dit d’encourager les mariages entre les individus Rio de Janeiro.
r , T , r i i r i t Esquisse histor. » de races opposées, et de représenter aux femmes blanches que les in-
» diens n’étoient pas inférieurs à elles ; mais qu’ayant été déclarés aptes
» aux honneurs et aux distinctions , ils pourraient en communiquer le
» privilège à leurs femmes, &c. (1) »
Des mesures d’une aussi grande importance excitèrent à peine l’attention
de l’Europe. L’objet sans doute « étoit digne des méditations d’un
» homme d’état éclairé ; mais les moyens qu’on employa pour l’atteindre
» furent imprudens , contradictoires et tyranniques. A dessein d’éleverles
» Indiens à la condition d’hommes libres, on commença par les traiter
» en esclaves ; et l’on remarque, au milieu des réglemens qui furent
» rendus, le misérable artifice d’avilir indistinctement tous les Indiens,
» dans le but de calomnier les jésuites !.... comme si les vices que ces
» malheureux Indiens acquirent pendant le temps de leur servitude,
» eussent été autorisés et soufferts dans les aidées ; et comme si les mis-
» sionnaires, au lieu d’encourager l’industrie, et de s’occuper à perfec-
» tionner les Indiens, eussent travaillé systématiquement à les tenir dans
» la bassesse et dans l’ignorance (2) ! »
Le contraire* a été prouvé par d,es témoins oculaires ; la Condamine a
vu l’état florissant des aidées, peu de temps avant que les jésuites les
eussent quittées; et l’évêque de Para, qui visita son diocèse vingt-cinq
ans après (3), « décrit les villes et les villages comme portant des marques,
» au milieu de leur décadence et de leur désolation, de la prospérité
» dont ils avoient joui sous le régime des missionnaires. Les maisons
» délabrées, les champs couverts de ronces, l’herbe venue sur les places
> publiques où se tenoient les marchés ; les fours à chaux, les fabriques
(1) Op. cit. t. I I I , p. 532.
(2) Ibid. p. 534. I
(3) « Par-tout, dans son journal, il se lamente de la décadence des aidées et de i’état de dé-
» gradation où les Indiens sont tombés. Rien, dit-il, n’est plus déplorable que leur moralité;
» 1 ivrognerie et l’incontinence sont leurs vices incorrigibles; et toutes les tentatives du prêtre
» Pour I®s corriger, lorsqu’il cherche sous ce rapport à remplir ses devoirs, sont inutiles. Les
» censures,ecclésiastiques, qui avoient été si puissantes sous Jes jésuites, étoient maintenant
" tout-à-fait nulles ; c’est pourquoi le clergé s’abstenoit sagement de s’exposer au mépris ; les
» moyens de repression n’étoient pas en leur pouvoir; et les Indiens étoient absolument insen-
» sibles aux exhortations et aux reproches. » ( Southey, t. I I I , p. 699. )