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» émigroient aussi vers les possessions françaises : mais si l’esclavage enfin
» étoit aboli, les sauvages de ces diverses tribus resteraient dans les limites
» portugaises, et deviendraient les enfans du ro i terme par lequel
» toujours les Indiens avoient coutume d’exprimer leur soumission ( i ). »
Dans la même année 1753 , Francisco Xavier de Mendonça Furtado,
frère du marquis de Pombal, et animé comme lui d’une haine invétérée
contre les jésuites, arriva au Brésil en qualité de gouverneur. Malgré les
lois existantes, il exigea que la totalité des Indiens fussent retirés des
aidées pour être employés à une expédition qu’il devoit faire vers le Rio-
Negro , à l’occasion des limites entre les possessions portugaises et celles
de l’Espagne. Les champs des Indiens restèrent donc sans culture cette
année-là, et les plantations des colons aussi. La conséquence d’une telle
conduite fut une grande pénurie de subsistances : les Indiens ne reçurent
pas le salaire qui leur étoit dû, ni ia nourriture dont ils avoient besoin ;
aussi un grand nombre déserta-t-ii. On en fit un crime aux jésuites ,
comme si la chose eût eu lieu par leur faute.
Le gouverneur, mécontent, alla visiter les aidées, demanda une nouvelle
levée d’indiens, et des provisions pour son armée ; et parce qu’il étoit
impossible de les lui fournir, il crut encore que, pour nuire à ses desseins,
c étoient les jésuites qui avoient empêché les naturels de cultiver leurs
champs. Furieux, il fit dresser une liste nombreuse de ses griefs contre
eux, ou l’on remarque cependant que les instigations dont il les soupçonne
forment la plus petite part.
Dans cette note, « il les accuse de poursuivre un système diabolique
» (telles étoient ses expressions), à dessein d’usurper pour eux-mêmes
» les possessions ultra-marines du Portugal. Les moyens qu’ils emploient,
» disoit-ii, pour arriver à ce but, consistent à exclure tous les Portugais
» des aidées (2), à tenir les habitans dans une ignorance complète (3), et à
(1) Op. cit. t. I I I , p. 367.,.. . ; r j . ‘
(2) Par les lois de D. Pedro I I , il n’étoit permis à aucun Portugais de demeurer dans les
aidées, à cause des mauvais effets que leur conduite et leur exemple pouvoient produire Sur les
Indiens.
(3) Les ennemis des jésuites leur reprochoient, en Europe ,_de prohiber le langage portugais
dans leurs missions. « La malice , dit Southey, a rarement été plus stupide dans ses calomnies;
» car, quelque désirable qu’il fût d’introduire un langage européen et cultivé à la place d’une
réduire les naturels à un tel état inhumain et misérable de servitude, Rio de Janeiro.
... >.1 . . . .. qu ils sont presque tous extermines de ce malheureux pays. TIli jl es accusoi. t Esquisse histor.
encore de refuser aux Indiens le temps nécessaire pour préparer la nourriture
suffisante à leurs familles ; de leur interdire l’usage de toute espèce
de nourriture qui exigeoit quelque préparation pour la rendre
propre ' aux usages de l’homme ; les réduisant ainsi, comme de purs
animaux, à se nourrir de racines et de végétaux crus ; de les tenir dans
les bois, absens de leurs familles, pendant neuf mois de l’année, pour
ramasser ce qui pouvoit être profitable à la compagnie ; de leur laisser
ignorer qu’il y avoit un roi de Portugal dont ils étoient les vassaux,, et
de ne pas leur accorder les vêtemens, même les plus grossiers, dont
ils avoient besoin pour couvrir leur nudité ; en sorte que, sous le poids
d’une telle tyrannie, il ne pouvoit y avoir aucune pr.opagation de la
foi , ni communication sociale , ni administration delà justice, ni agriculture
, ni commerce, ni rien qui pût être avantageux à l’église romaine
ou à la mère-patrie, ni qui pût conduire à la conservation de la
colonie et de ses habitans. L’avarice des jésuites fut décrite comme non
moins énorme que leur ambition ; et l’on disoit que, par leurs usurpations
et leur monopole inhumain, ils s’étoient mis en possession des
produits et du commerce du pays, au point que leur système n’étoit
pas moins préjudiciable aux Portugais qu’aux Indiens.
» Ces accusations, malgré leur fausseté et leur absurdité palpables ,
furent reçues avec joie à Lisbonne. Cependant des hommes qui d’avance
n’eussent pas été déterminés à condamner les accusés, auraient recherché
comment il étoit possible que les jésuites, si leur projet eût réellement
été de se faire les maîtres du pays, eussent pu espérer de réussir en le
dépeuplant, et en détruisant les bras mêmes dont ils avoient besoin,
non-seulement pour la défense de leur prétendu empire, mais encore
pour leur propre subsistance. Ils se seraient demandé s’il étoit présu-
mable que ces religieux, qui, quelques fautes qu’on ait mises sur leur
compte, n’avoient jamais, du moins, été taxés de stupidité, eussent
poursuivi des mesures tendant directement à ruiner le commerce
langue barbare, il étoit sans contredit bien plus facile aux missionnaires d’apprendre le tupi,
que d’instruire les indigènes dans. la langue portugaise. ?> ( Op. cit. t. I I I , p. 372. )
Voyage de l'Uranie. — Historique. j i