
Colonie portug.
Différentes lois successives ont fixé la durée des engagemens. D’après
les unes, l’homme qui contracte un enrôlement volontaire obtenoit son
congé au bout de huit ans ; ce terme est de deux ans plus court d’après
les autres : mais toutes ces lois n’ont jamais eu en vue que l’homme
qui entre de plein gré au service. Ceux que le sort, ou plutôt la volonté
de ses interprètes, contraignoit à faire partie des cadres de l’armée,
devoient s’attendre à y demeurer toute leur vie, à moins que des infirmités
graves ne vinssent impérieusement commander leur réforme. Ce
dernier cas arrivant, on leur iaissoit, pour prix de leurs plus beaux
jours consacrés à la défense de la patrie, la liberté d’aller mendier leur
pain. Le roi D. Joa6 V I, si digne du beau surnom de Père de ses peuples,
garantit enfin un meilleur avenir à ces hommes intéressans qui font la
gloire et la sûreté de l’état tout en répandant leur sang à son service.
Désormais les soldats portugais et brésiliens ne seront plus exposés à la
misère: des retraites, des établissemens d’invalides leur assureront une
existence honorable ; on ne les verra plus, à la honte de leur pays,
étaler de glorieuses cicatrices et les lambeaux de leur noble uniforme*
pour émouvoir la pitié de leurs concitoyens et obtenir d’eux quelques
oboles.
La seconde cause de l’état incomplet des corps de l’armée du Brésil est
celle-ci : le soldat reçoit une paie de 7 0 reis [ of ,4 4 e ] P a r jour, plus
2 0 reis [ of , 1 2 e 4 ] qui doivent entrer dans la caisse militaire de chaque
corps pour former la masse d’habillement.*Ces 2 0 reis sont payés par
l’état, sur le pied de six cents hommes f i t régiment; il en résulte que
les colonels, qui sont chargés, conjointement avec les conseils d’administration
, de l’habillement des troupes, ont intérêt à ce que leurs soldats
ne dépassent pas ce nombre ou même n’y atteignent pas. Effectivement,
il seroit impossible d’habiller quatorze cent quatre-vingts- hommes avec
ce qu’on a cru devoir allouer pour en habiller six cents.
Il paroîtroit au reste que cet affoiblissement numérique des corps de
troupe entre dans les vues du gouvernement, car jamais aucune mesure
coërcitive n’oblige leurs chefs à les tenir au complet. Aussi n’est-ce que
le plus tard possible que ceux-ci s’occupent de combler les déficits provenant
de décès et désertions; et il n’est pas rare qu’un régiment qui
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devroit être composé de quinze cent cinquante-sept hommes, en ait
souvent à peine quatre cents.
Voici en définitive comment on fournit à l’habillement des troupes,
et quels sont les fonds destinés à cet objet :
Dans chaque régiment, les 20 reis pour chaque homme, en comptant le
régiment à six cents hommes, font par jour la sommé de 12 000 reis.... 75 ,oo‘
Deux soldats licenciés par compagnie, et laissant
leur solde et leurs rations au profit de la caisse militaire,
font pour vingt soldats, à 70 reis l’u n ............................ 1 4 ° ° • • • • 8 ,75.
Plus, vingt rations de farine, évaluées à....................... 1 000 . . . . 6 ,2 ;.
Deux sous-officiers licenciés de même, dont on peut
évaluer les appointemens et les rations à............................ 6 4 ° . . . . 4 ,00.
Ce qui fait un total par jour d e ....................................... 15 o4o . . . . p4 ,00.
qui, multipliés par 365 , font par an 5 48p 600 reis [34 310*].
Sans pouvoir présenter ici une évaluation exacte du nombre des soldats
qui composoient la garnison de Rio de Janeiro en 1 8 1 8 , nous estimons
que ce nombre n’excédoit pas quatre mille cinq cents hommes de troupes
réglées, et deux mille hommes de gardes urbaines, sans compter les
gardes de police, espèce de guet ou de gendarmerie à pied et à cheval.
Les principales vertus du soldat portugais étoient la subordination et
la sobriété : le monde entier lut jadis téffioin de sa bravoure et de sa
valeur, qui se montrèrent avec tant d’éclat dans ces entreprises aussi
heureuses que hardies, couronnées par la conquête de nombreuses et
riches possessions en Afrique', en Asie et en Amérique. Une longue paix
avoit assoupi le courage de cette nation ; il se réveilla pour secouer un
joug étranger. Mais au lieu des Castro, des Albuquerque, des Pacheco,
des Souza, &c., les cohortes de la Lusitanie n’eurent plus à leur tête que
des Anglais : généraux, colonels, la plupart enfin des officiers supérieurs,
leur avoient été imposés par le gouvernement britannique. Le soldat
portugais conserva sa valeur, perfectionna même sa tenue militaire et
apprit à manoeuvrer avec plus de précision; mais il perdit une partie de
son caractère national,, devint exigeant et souvent mutin: les chefs
étrangers qui commandoient les troupes, et qui avoient sans doute intérêt
à capter l’amitié et la confiance de la force numérique de la nation,
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