
ennemi juré, se trouvoit à cette époque dans Macassar. Il se mit à ia
tête des révoltés, rassembla une escadre de cent cinquante navires, portant
six à sept mille hommes de troupes, et fit voile pour Larentouka.
Il y arriva vers la fin du mois de janvier. Le capitaô mor Francisco
Fernandez, qui y commandoit, surpris par une invasion si subite, n’eut
que le temps de se sauver dans les montagnes, avec sa petite troupe.
Karrilikio débarqua donc sans résistance, brûla l’église et ravagea tout
le pays. Mais les Portugais ne purent voir ces excès sacrilèges sans que
l’amour de la religion ne leur donnât le courage du désespoir : aussi,
quoique en nombre très - inférieur, fis* osèrent attaquer l’ennemi, et,
après un combat terrible, le forcèrent a se rembarquer précipitamment.
Karrilikio passa alors à Timor, où dix ans auparavant les Portugais déjà
avoient commencé à prêcher l’Evangile (1) : il voulut soulever les Timoriens
contre les Portugais, et les engager à l’accompagner à Larentouka;
mais il ne put en venir à bout. Enfin, après trois mois de ravages et de
rapines, durant lesquels il forçoit ceux qu’il soumettait'à embrasser sa
religion, il retourna à Macassar, en annonçant aux Timoriens qu’il ne
tarderoit pas à revenir avec des forces plus considérables :: la mort le
surprit au milieu de ses projets.
Dès qu’on sut à Floris que Karrilikio avoit quitté Timor, le P. Francisco
Antonio.de San-Jacintho se décida à y aller, pour consoler les
malheureux Timoriens, et continuer à les instruire dans la religion chrétienne.
Il partit donc de Larentouka, emmenant avec lui deux autres re-
ligièux et soixante-dix soldats, et alla débarquer à Ména, qii’il trouva
ravagé. Le roi étoit mort, et sa femme, devenue tutrice de son fils en bas
âge, étoit à la tête du gouvernement, avec le titre de reine. L’invasion de
0
parle San-Domingo d’où fai tiré ces détails; j’imaginé que c’estflfcine secte indienne de l’is-
ïamisme.
II est très-probable que, long-temps avant cette invasion de Karrilikio, les Malais s’étoient
établis sur divers points des côtes de Timor, et que la religion musulmane même y avoit
pénétré par cette voie, dès le commencement peut-être du x v .c siècle. Je crois aussi, que
l’arrivée des Malais ou des Macassarais à Timor est antérieure à l’introduction de l’islamisme,
c’est-à-dire qu’elle peut l’avoir précédée au moins de deux siècles.
( 1 ) En 1630, des religieux dominicains, partis de Larentouka, vinrent à Timor pour y
prêcher l’évangile. Le roi de Silaban , ville située entré Atapoupou et Batouguédé, fut le
premier prince timorien qui se fit baptiser.
LIVRE II. — Du B r é s i l à T im o r in c l u s iv e m e n t . 53 1
Karrilikio l’avoit obligée à- se retirer dans une partie de son royaume
située à douze lieues dans les terres : elle s’y trouvoit encore alors. Le P. de
San-Jacintho, s’étant rendu auprès d’elle, en fut très-bien accueilli. Il
ramena la reine au port de Ména, et par ses soins gagna tellement son
amitié, qu’il obtint, en 1 6 4 1 , de la catéchiser et de lui administrer
solennellement le baptême. Le peuple suivit l’exemple de sa souveraine.
Le royaume de Léfao étoit alors gouverné par un beau-frère de cette
princesse : le raja d’Amanoubang et lui demandèrent à être baptisés
par le P. de San-Jacintho, et l’obtinrent également. Pour satisfaire aux
nouveaux besoins que faisoit naître cet accroissement de la foi catholique
, plusieurs églises furent construites, tant auprès de la côte que
dans l’intérieur du pays.
Le religieux Luiz de PaixaÔ, qui se trouvoit à Floris (1), ayant eu
connoissance des progrès de ses confrères à Timor, résolut de partager
leurs travaux; et poussé par un zèle évangélique, il se rendit seul
à Coupang, se mêla parmi les naturels, et, en cherchant à les instruire,
il fut assassiné. L’année suivante, Francisco Antonio de San - Domingo
débarqua à Coupang, s’y établit avec quelques Portugais, et gagna
tellement l’esprit des naturels par ses manières douces et insinuantes,
que, peu après son arrivée, le raja de Coupang se fit baptiser, ainsi que
la plus grande partie de son peuple. Ces rapides changemens firent
donner à Timor le nom d’île de Santa-Cru£, que les Portugais lui conservèrent
long-temps. .
Cependant le roi de Véalé, l’un des principaux souverains de l’île,
avoit été gagné par Karrilikio à la secte de Mafade. Enthousiaste de sa
nouvelle croyance, il voulut l’imposer aux nombreux rajas de son voisinage,
qui s’étoient faits chrétiens ; et comptant chaqué jour sur le retour
de Karrilikio, dont il ignorait la mort, il se. mit en campagne, sans
s’inquiéter des Portugais. Dans cette perplexité, les rajas chrétiens eurent
recours à leurs alliés, qui firent venir des renforts de Larentouka. Quatre
embarcations, dont deux armées aux frais des religieux,O ' une à ceux du
capitaÔ mor Francisco Fernandez ; et l’autre à ceux du peuple, partirent
( 1 ) San-Domingo, op. cit.