
D e l’homme
en société.
Quand vous devenez, prisonnier une seconde fois , votre adversaire
reprend ie jeu ainsi que vous l’aviez fait vous-même, et vous vous relevez
ainsi successivement jusqu’à ce qu’il n’y, ait plus de billes dans les
cases, et que toutes aient passé dans les roumas. Alors celui qui a le
plus de billes a gagné la partie; et si l’on est convenu'de jouer à tant la
bille, on règle son compte en conséquence.
Tel est le jeu de tchonka à partie simple. On peut aussi ie jouer en
parties liées, et voici comment.
Nous avons supposé que chaque joueur avoit sept cases devant lui,
non compris son rouma; par conséquent on aura mis,, en commençant le
jeu, sept billes dans chaque case, ou quarante-neuf devant chaque joueur.
Admettons qu’à la fin de la première partie, le joueur M ait gagné vingt
billes au joueur N , celui-ci n’aura plus que vingt-neuf billes dans son
rouma; à la seconde partie, N ne pourra donc charger que cinq cases,
en mettant cinq billes dans chacune, et il en restera quatre dans son
rouma. Cette nouvelle disposition oblige alors à ne regarder le tchonka
que comme composé de cinq cases de front au lieu de sept. Le joueur M
chargera donc de son côté cinq cases à cinq billes chaque, et l’on commencera
le jeu sans faire aucune attention aux cases vides. Pour le reste
on se conforme aux règles données pour jouer la première partie. :
Si le joueur M a continué d’être favorisé , et qu’il ait encore gagné neuf
billes au joueur N , celui-ci n’en aura plus que vingt dans son rouma.
Veut-on continuer le jeu! Le joueur N ne pourra charger avec ses
vingt billes que quatre cases à quatre billes chaque. M : en fera autant
de son côté, et l’on continuera ie jeu comme si le tchonka n’avoit que
.quatre cases de front. On voit comment on pourroit continuer en ne
chargeant que trois cases, &c.
Il y a une troisième manière de jouer ie tchonka, qui suppose plus
d’habileté encore que les deux autres ; mais elle exige que chaque joueur
ait son tchonka particulier. Le but qu’ou se propose alors consiste à
relever toutes les billes du jeu, dans le plus petit nombre possible de
coups, et en suivant les règles données plus haut, à l’exception toutefois
d’une seule que l’on viole dès le début, en commençant par lever
les billes devant soi, dans la case la plus à gauche, ou ici dans la case
LIVRE II. — Du B r é s i l à T im o r in c l u s iv e m e n t . ¿ ¿ 9
B.° 7. Si on les distribue selon l’ordre prescrit, la première sera mise dans
la case n.° 6 , et la dernière tombera dans le rouma : vous êtes donc en
droit de lever les billes dans celle de vos cases qu’il vous convient. Mais
ici le talent du joueur consiste à combiner ses coups de manière, i.° à
ne se mettre jamais dans l’impossibilité de jouer (ce qui auroit lieu si la
dernière bille qu’il a dans la main arrivoit dans une case vide ) ; 2.° à
éviter de suivre une fausse marche qui, lui faisant jouer un trop grand
nombre de coups, tourneront à l’avantage de son adversaire.
H est à propos de dire que, dans cette partie comme dans les deux
autres, on ne doit point mettre de billes dans le rouma de gauche.
Cette dernière manière de jouer au tchonka rentre tout-à-fait dans
le domaine des combinaisons, et peut être soumise à un calcul numérique.
Je donne plus bas un tableau qui contient le résultat de ce calcul.
On a affecté un numéro à chacune des cases du tchonka ; et l’on voit,
dans les chiffres du tableau, l’indication de la case où il faut puiser
chaque fois qu’on a mis dans son rouma la dernière bille qu’on avoit en
main. Ainsi les chiffres qui font face au nombre 7 de la première colonne,
donnent à connoître qu’on doit lever, en commençant le jeu, les billes de
la case n.9 7 ; au second et au troisième coup, celles de la case n.° 1 ;
au quatrième, celles de la case n.° 3 , et ainsi de suite.
J ’ignore comment ce tableau a été formé; mais les personnes accoutumées
au calcul de ce genre de combinaisons pourront facilement concevoir
la manière 'd’en dresser un semblable. Celui-ci m’a été communiqué
à Coupang; j’en ai plusieurs fois fait usage, et j’ai trouvé qu’il
répondoit bien au but. Malheureusement la copie qui m’en reste a été
faite avec peu de soin ; et j’ai lieu de croire ou plutôt je ne puis douter
qu’il s’y est glissé des erreurs. Tel qu’il est cependant, il m’a paru propre
à en faire connoître les éiémens, et à mettre sur la voie ceux qui auroient
envie de le rectifier. J ’ai négligé moi-même d’écrire sur mes notes ce que
signifient les chiffres qui sont portés dans la première colonne de gauche.
et j’ai eu tort en cela de compter sur ma mémoire; il est possible que
quelques méditations sur. cet objet le fassent concevoir à ceux qui auront
à leur disposition plus de loisirs que je n’en ai moi-même.
De l’homme
en société.