
R io de Janeiro, de leur esprit, avoient un caractère cruel et vindicatif; du reste, généreux,
Habitans reconnoissans et hospitaliers, iis étoient amis sûrs et dévoués, autant
primitifs. ■ ■ ~
qu’ennemis implacables.
A l’instar de leurs voisins, et poussés de même par un instinct féroce
à l’anthropophagie, ils ne tenoient aucun compte de l’âge ni du sexe
des prisonniers faits à la guerre, qui tous étoient tôt ou tard dévorés
par eux dans d’abominables festins.
Nul ne pouvoit prendre en mariage ni sa mère, ni sa soeur, ni sa
fille, non plus que la soeur ni la fille de son atour-assap, c’est-à-dire,
de l’ami intime qui avoit mis ses biens en commun avec les sien.s.
Mais il étoit permis aux hommes d’avoir autant de femmes qu’ils vouloient
: « mesmes, faisant de vice vertu, dit de Léry, ceux qui en ont
» plus grand nombre sont estimez les plus vaillans et hardis; et en ay veu
» vn qui en auuoit huict desquelles il faisoit ordinairement des contes à
» sa louange. »
Toute la cérémonie du mariage consistoit à connoître la volonté de
la fille ou veuve, et à obtenir le consentement du père, ou, à défaut,
celui de son plus proche parent.
L ’adultère des femmes étoit tellement en horreur, que, si l’une d’entre
elles osoit cohabiter avec un autre que son mari, celui-ci avoit le choix
de la tuer ou de la répudier avec ignominie. Mais avant d’être mariées,
elles pouvoient, sans encourir le moindre blâme, s’abandonner au premier
venu.
On pourroit croire que l’état de nudité complète dans lequel vivoient
les indigènes des deux sexes, étoit bien capable d’enflammer leurs sens.et
de les porter à la lubricité ; le contraire cependant a été observé. « Et
» partant, ie maintien, dit de Léry, que les attifets, fards, fausses per-
» ruques, cheueux tortillez, grands collets fraisez, vertugales, robbes sur
» robbes, et autres infinies bagatelles dont les femmes et filles de par-
» deçà se contrefont et n’ont iamais assez, sont sans comparaison cause
» de plus de maux que n’est la nudité ordinaire des femmes sâuuages. »
Amusemens. Une coutume générale chez eux étoit de s’assembler tous les jours
pour danser; les jeunes hommes, parés à leur manière, passoient souvent
les nuits à courir de maison en maison en sautant en cadence,
LIVRE I.er — De F r a n c e a u B r é s i l in c l u s iv e m e n t . 15 3
soit en rond, soit à la file l’un de l’autre : mais jamais les femmes ni
les filles ne se mêloient avec les hommes ; lorsqu’elles se livraient à
l’exercice de la danse, c’étoit toujours à' part.
O11 a affirmé que les Toupinambas n’avoient point de religion. Si l’on
entend par ce mot la connoissance d’un unique et suprême régulateur de
toutes choses , sans doute l’assertion sera exacte; mais si on l’applique à
des notions fantastiques d’êtres surnaturels et pùissans, on ne saurait
nier qu’ils n’eussent une croyance religieuse et même une sorte de culte
extérieur. Sans parler du tonnerre, qu’ils redoutoient beaucoup et nom-
moient Toupan, ils croyoient à l’immortalité de lame et à de malins esprits
qui les toürmentoient durant leur vie et nuisoient souvent à leurs affaires.
Apres la mort, disoient-ils, les ames des braves qui ont sacrifié: à
leur vêngeance et mangé beaucoup d ennemis, vont derrière de hautes
montagnes, où elles dansent, dans de beaux jardins, avec celles de leurs
aïeux;, tandis qu’au contraire les ames des lâches et des efféminés sont
condamnées à habiter avec Aygnan ( le diable ), auprès duquel elles sont
perpétuellement tourmentées.
Tous les trois ou quatre ans, une sorte de jongleurs, nommés Cardibes,
réunissaient dans un village les sauvages d’une même peuplade, et pro-
cédoient à la solennité religieuse que nous allons décrire. D’abord la
foule se divisoit en trois parties ; les hommes dans une maison, les
femmes dans une maison voisine, et les enfans dans une troisième, avec
défense expresse aux uns et aux autres d’en sortir. Ces préliminaires une
fois réglés, les Caraïbes entraient dans la maison des hommes, et tous ensemble
commençoient à parler fort bas; puis ils chantoient d’un ton
élevé : les femmes répondoient d’abord à ces chants d’une voix tremblotante;
mais criant bientôt de toutes leurs forces, elles sauraient avec
violence jusquà écumer et tomber par terre comme des épileptiques. Les
ênfans chantoient et dansoient de même.
Ces hurlemens étoient suivis d’une courte pause, à laquelle succé-
doient des chants doux- et cadencés. Les hommes dansoient alors en
rond, ayant au centre leurs Caraïbes richement parés dérobés, bonnets
et bracelets de plumes, et tenant dans chaque main un maraca (1), « à
( 1 ) Le maraca etoit un instrument composé d’une calebasse de la grosseur d’un oeuf d’au-
Voyage de VUranie. — Historique.
Rio de Janeiro.
Habitans
primitifs.
Religion.
Cérémonies
religieuses.