
R A P PO R T
Observations du Pendule.
La figure de la terre peut également se déduire de ia comparaison
du nombre d’oscillations que fait en vingt-quatre heures un même pendule
de longueur invariable, dans des lieux situés sous diverses latitudes
, et de ia comparaison des longueurs différentes que doit avoir un
pendule simple pour exécuter dans tous ces lieux le même nombre d’oscillations
en un temps donné. Ces méthodes exigent, l’une et 1 autre,
qu’on détermine dans chaque station quel nombre d’oscillations y fa it,
en un jour moyen ou sidéral, le pendule dont on se sert : elles diffèrent
seulement en ce point, que, dans la première, il est indispensable, que
l’appareil oscillant n’éprouve jamais d’altération ni dans sa forme, ni dans
ses dimensions, tandis que, lorsqu’on suit la seconde, cette invariabilité
n’est pas nécessaire, puisqu’on mesure la longueur après chaque observation.
Cette dernière partie de l’expérience est fort délicate, et exige
un établissement particulier qu’on se seroit difficilement procuré sur les
côtes désertes où M. de Freycinet devoit aborder. Tel est le motif qui
détermina ce navigateur à se borner à l’emploi du pendule invariable ;
on décida toutefois que l’expédition emporteroit deux de ces instrumens ,
et que leur construction seroit confiée à M. Fortin.
Chacun des deux pendules que fournit d’abord cet habile artiste, est
formé d’un cylindre de cuivre au bout duquel est une lentille lourde du
même métal, qui fait corps avec lu i , puisque le cylindre et la lentille
ont été fondus d’un seul coup ; à l’autre extrémité du cylindre est invariablement
attaché le couteau affilé d’acier destiné à supporter le pendule
: pendant les expériences, le couteau repose sur yn plan d’agate parfaitement
dressé.
La forme et le diamètre qu’on avoit donnés aux tiges de ces deux pendules
, les soins apportés dans la construction des caisses et dans l’emballage
, permettoient d’espérer qu’ils n’éprouveroient, durant le voyage ,
aucune flexion appréciable. Peut-être pouvoit-on craindre que la grosseur
du cylindre ne rendît un peu délicate l’évaluation de sa température ;
quoiqu’une telle cause d’erreur soit dans ia classe de celles dont un observateur
attentif peut aisément apprécier l’influence, puisqu’il est le
maître de la renfermer entre des limites très - resserrées ; ce soupçon,
néanmoins,. s’étoit à peine présenté, qu’on ordonna ia construction d’un
nouveau pendule invariable à tige plate : notre confrère M. Bréguet, qui
déjà avoit gratuitement confié un de ses chronomètres à M. de Freycinet,
voulut y joindre encore un pendule particulier ,-exécuté sous sa direction
et à;ses frais; d’où il est résulté que nos voyageurs ont eu à leur
disposition quatre pendules invariables, savoir : deux pendules de cuivre
à tige cylindrique, qui ont toujours été désignés dans les registres par
les n.os i et 3 ; un pendule du même métal, mais à tige plate, construit
aussi par Fortin ; il porte le n.° 2 ; enfin, le pendule n.° 4 de M. Bréguet,
qui a une tige en bois verni, une lentille plate et très-lourde en cuivre , et
un couteau d’un alliage particulier fort dur et peu susceptible d’oxidation.
Avant le départ de l’expédition , ces quatre instrumens avoient été observés
à Paris, en 1 8 1 7 , par MM. de Freycinet, Lamarche, Mathieu
et l’un de nous (M. Arago). On s’étoit ainsi procuré un terme de comparaison
pour toutes les observations analogues qui devoient être faites
dans les deux hémisphères, et, ce qui n’étoit pas moins indispensable, le
moyen de, reconnoitre, au retour, si, durant le voyage, les tiges ou les
couteaux avoient éprouvé des altérations appréciables. Tel est effectivement
l’objet des observations que fait maintement, à Paris, M. de Freycinet,
et dont il ne tardera pas, sans doute, à rendre compte à l’Académie.
Il seroit aussi long qu’inutile de décrire ici la marche qu’on a suivie
dans ces premières expériences, et à laquelle M. de Freycinet s’est conformé
dans tous les lieux de relâche; il nous suffira de dire qu’on ne pou-
voit pas adopter la méthode des coïncidences dont Borda et tant d’autres
observateurs après lui ont tiré un.si heureux parti, puisque nos navigateurs
n’emportoient pas d’horloge, et d’ajouter qu’en admettant la bonté
du chronomètre, le nouveau procédé, comme l’expérience l’a prouvé, le
cède à peine à l’ancien en exactitude. Il éût été facile, à Paris, de découvrir
les plus petites irrégularités dans la marche de la montre, par les comparaisons
répétées qu’on en faisoit avec la pendule sidérale de l’Observatoire
: un tel moyen de vérification devant manquer par-tout ailleurs,
M. de Freycinet s’est astreint à comparer sept à huit fois par jour le chronomètre
n.° 7 2 , qui, dès l’origine, avoit été destiné aux observations du
Voyage de V Uranie. — Historique. o