
Objet
du voyage;
préparatifs
et départ.
autant que le voudrait l’état actuel des sciences , à d’autres genres de
recherches.
Notre expédition est, je pense, le premier voyage maritime qui, destiné
au progrès des connoissances humaines , n’ait pas eu spécialement
l’hydrographie pour objet. La détermination de la forme du globe ter-
réstre dans l’hémisphère Sud, l’observation des phénomènes magnétiques
et météorologiques, enfin l’étude des trois règnes de la nature, formèrent
le but essentiel de cette mission. On devoit s’y occuper encore de recherches
sur les moeurs , les usages, les langues des peuples indigènes; et
la géographie, sans être absolument exclue, fut cependant reléguée au
dernier rang.
Sa Majesté, ayant agréé le projet de cette expédition, daigna m’en
confier le commandement, et me permettre de choisir, parmi les officiers
de la marine les plus instruits, ceux que je croirois propres à exécuter,
sous ma direction, les divers travaux qui nous étoient imposés.
Des officiers de santé du même corps, joignant au talent de leur profession
des connoissances en histoire naturelle, furent désignés pour remplir
à-la-fois sur le vaisseau les fonctions de leur grade et celles de naturalistes.
J ’obtins, en considération du doublé service qu’ils avoient à faire,
que le nombre en seroit porté au triple de celui qui m’eût été accordé
dans une navigation ordinaire.
J ’avois avec moi peu d’officiers ; mais j’emmenois un assez grand nombre
d’élèves de la marine, pris parmi ceux qui se distinguoient davantage par
une brillante instruction ; et je n’ai eu qu’à m’en applaudir : plusieurs
d’entre eux, en effet, dès le commencement du voyage, remplirent les
fonctions d’enseignes de vaisseau, et tous concoururent avec succès aux
observations de physique et d’astronomie qui avoient lieu journellement
à bord.
Les instrumens destinés à nos expériences sortirent des ateliers de nos
meilleurs artistes, et furent soumis, avant le départ, aux vérifications
qui devoient en constater l’exactitude.
Nous embarquâmes quantité de cartes de géographie, ainsi qu’un
choix de bons livres d’histoire naturelle, d’astronomie, & c ., convenable à
nos besoins ; une médaille enfin, frappée à l’occasion du voyage, et dont
le type gravé se trouve en tête dé ce volume, fut destinée à être distribuée Objet
t;.- H ! • < . R U • 1 1 • ^ • du voyage ; sur la route a ceux qui paraîtraient prendre quelque intérêt a notre mission. préparatifs
LUranie, corvette de 20 canons, ayant été choisie pour le voyage , etdepart.
reçut à Toulon un radoub soigné : on lui donna un équipage composé,
pour la plupart, de matelots provençaux delite, pris parmi ceux qui
étoient le plus portés de bonne volonté. J ’eus, sur cela, toute latitude,
le Ministre m’ayant laissé libre de former le personnel de mon équipage
ainsi que je le jugerois à propos ; et comme je ne fus pas astreint
non plus à suivre les régiemens de la marine pour ce qui avoit trait au
matériel de mon armement, je m’attachai soigneusement à réunir à bord
tout ce qui pouvoit contribuer à la réussite des travaux que nous allions
entreprendre.
Ne devant avoir qu’un seul vaisseau, et me trouvant naturellement
obligé de prévoir les événemens désastreux qui pouvoient être la suite
d’une longue navigation dans des parages encore imparfaitement connus,
je donnai la préférence, à mérite égal, aux hommes qui étoient à-la-fois
matelots et ouvriers : c’est ainsi que sur cent vingt hommes dont se com-
posoit le personnel de l'Uranie, cinquante au moins pouvoient exercer
au besoin les professions utiles de charpentier, de cordier, voilier , forgeron
, &c.
Lorsqu’on part pour une expédition lointaine, rien ne doit être négligé
de ce qui peut entretenir la santé et le hien-être de l’équipage. A
cet égard, l’administration des vivres de la marine ne me laissa rien à
desirer : par-tout l’abondance fut réunie au choix et à l’excellente qualité
des approvisionnemens. J ’obtins facilement aussi qu’on délivrât, des magasins
du R o i, des vêtemens extraordinaires pour chacun de mes matelots
, et ce surcroît d’équipement leur fut accordé gratis.
L’usage, encore récent en Angleterre, dé conserver l’eau dans des caisses
en fer, n’avoit point été adopté jusqu’alors en France : on fit construire
de ces caisses pour ï Uranie; et nous devons à cette innovation salutaire
1 avantage inappréciable d avoir gardé notre eau, pendant tout le voyage,
hors des atteintes de la putridité.
Indépendamment de 1 eau que j’embarquois, je mis à bord un alambic
propre à distiller en grand celle de la mer : l’appareil étoit commode,