
» il baisse la tête pour frapper son adversaire, celui-ci lui saute dessus
» et se cramponne à ses cornes. C’est alors quune troupe de valets ac-
» courent, contiennent le taureau, et le forcent à sortir de I arène à recu-
» Ions. D’autres fois, on lance deux dogues qui, s attachant à ses oreilles,
« finiraient par le terrasser, si l’on ne s’empressoit de leur faire lâcher prise.
» A la fin du spectacle, les cavaliers, qui s’étoient absentés un instant,
» reparurent dans l’arène, montés sur des chevaux plus beaux que les pre-
» miers, superbement harnachés; et accompagnés de tous les coureurs ,
» ils vinrent saluer le Roi et sa cour. Les chevaux, tous fort bien dressés,
» avançoient et reculoient avec beaucoup d’ordre , tandis que les gens
» de pied faisoient de fréquentes génuflexions.
» Ces courses nous parurent moins dignes de piquer la curiosité que
» celles qui se font en Espagne, autant à raison de l’adresse des combat-
» tans, des dangers auxquels ils s’exposent, que de la beauté meme des
» taureaux.
» Aux courses succédèrent des manoeuvres militaires.,» des danses de
» Maures et de naturels de l’intérieur du Brésil, armes de lances et de
» boucliers, &c. »
« Ces sauvages simulés, rapporte M. Gaimard, tenoient en main
» d’énormes cerceaux faits avec des branches d’arbre garnies de leurs
» feuilles ; ils étaient disposés deux à deux, et passoient, avec une rapi-
» dité et une adresse surprenantes, sous les cerceaux les uns dès autres.
» ’Ailleurs je vis , et j’en conserverai long-temps le souvenir, des fan-
„ dangos exécutés, au milieu de la nuit, dans des cabinets de verdure
» foiblement éclairés ; tout respirait la volupté dans ces réduits cham-
» pêtres, jusqu’aux statues et aux tableaux dont ils étaient ornes.'On eut
» dit que les séduisantes danseuses, dont tous les mouvemens étaient
?> mesurés, toutes les attitudes amoureuses et même lubriques, cher-
» choient à faire éclore, dans l’ame des spectateurs, le feu ardent des
» désirs dont leurs yeux paroissoient embrases.
« Je vis à San-Christova6, poursuit M. Gaimard, des reunions où
» se trouvoient à-la-fois des Allemands, des Polonais, des Russes, des Es-
» pagnols, des Anglais, des Prussiens, et des dames allemandes et por-
» tugaises | on y parloit français pour s’entendre ; et je me félicitai d appar-
LIVRE I . er — D e F r a n c e a u B r é s i l in c l u s iv e m e n t . 3 9
» tenir à une nation dont l’universalité de la langue pouvoit servir
» ainsi de moyen commun de communication à tant de peuples divers. »
A l’époque où nous entrâmes à Rio de Janeiro, mon dessein n était pas
de rester plus de vingt à vingt-cinq jours sur cette rade; mais des circonstances
dont je n’ai.pu me rendre le maître m’obligèrent d’y en demeurer
cinquante-quatre. J ’ai rendu compte plus haut des, motifs dun tel
retard. Nos expériences étant finies et nos instrumens rembarques,
je me hâtai d’aller prendre congé du Roi et de faire des visites .d.adieu
aux personnes qui nous avoient donné des témoignages-,d’affection ou
seulement de simple intérêt. Le 29 janvier, à la pointe du jour, on
s’occupa de lever l’ancre; à dix heures du matin , nous étions déjà en
dehors de la baie.
Je n’ai pu, dans ce. qui précède, que faire pressentir la nature de nos
occupations à Rio de Janeiro, sans entrer dans le détail des résultats auxquels
mes collaborateurs et moi nous étions parvenus. Indépendamment
de ce qui nous appartient en propre, nous n’avons négligé, ainsi que je
l’ai dit ailleurs, aucune occasion d’interroger les personnes instruites qui
pouvoient nous donner quelques lumières sur ce qui faisoit 1 objet de
nos investigations.
J ’avois remis à l’état-major de /’ U r a n ie , dès 1 origine du voyage,
deux séries de questions, dont l’une étoit relative aux travaux a faire lorsque
le vaisseau étoit sous voiles ; 1 autre se rapportait a ceux auxquels
nous devions nous livrer pendant nos relâches (1). Ces tableaux méthodiques
, en aidant la mémoire et soulageant 1 attention, avoient encore
le précieux avantage de forcer a mettre de 1 ordre dans des journaux
qui, écrits par des plumes différentes , devoient cependant être réunis
un jour dans une rédaction unique.
(1) La première série de ces questions est imprimée dans la partie nautique et hydrographique
de notre Voyage; la seconde, beaucoup trop développée pour trouver place ici, puisqu’elle n’a
pas moins de six cents articles, comprend d’abord ce qui est relatif a Vhistoire, puis à îa description
physique et géographique du pays et a ses productions, Les observations sur l espèce
humaine v iennent ensuite, et sont relatives, premièrement à l'homme considéré comme individu ;
puis à l}homme réuni en famille, et à. Vhomme vivant en société. L'industrie sous ses divers
aspects, le commerce et les détails nombreux qui s’y-rattachent, enfin le gouvernement, complètent
le cadre de ce vaste tableau.
• 1817-.
Janvier.