
Ile Timor, été les témoins. Les préparatifs en commencèrent le 13 octobre au soir;
De l’homme le temple resta illuminé toute lâ nuit; et le lendemain, à quatre heures
en -société. a
du matin, un peu avant le coucher de la lune, la fête commença. Dix
à douze Chinois seulement et un petit nombre de Malais y assistèrent ;
mais il n y vint aucune femme. Sur les tables placées en face des autels du
centre et de droite-, furent placés, comme offrande, des coqs et des
cochons de lait bouillis, des gâteaux, des confitures, &c.
Deux bonzes à genoux sur des coussins posés sur la natte devant l’autel
du centre, firent une courte adoration ; ils allumèrent des baguettes odorantes
et en mirent dans la gueule des‘figures de chiens, ou de lions placées
sur cet autel et devant la statue de la déesse ; ils en portèrent aussi sur
l’arbre du milieu du temple, ainsi qu’au-dehors sur l’esplanade..
A cette première adoration en succède une autre, toute semblable,
devant 1 autel de droite. Des libations de thé sont faites ensuite avec de
petites tasses placées sur les deux autels ; suivent des génuflexions et des
prières articulées à demi-voix, tant devant l’autel du milieu que devant
celui de droite. On porte des cahiers de papier-doré au pied de l’arbre
sacre; les officians-vont faire de nouvelles, génuflexions devant l’autel
du milieu et devant celui de droite , toujours au bruit du tambour. Les
libations recommencent aux deux autels , et l’on fait sur celui du milieu
une offrande de papier doré que l’on va porter immédiatement à l’un des
angles gauches du carré où est planté l’arbre. La même offrande sq répète
à l’autel de droite, avec la seule différence que les papiers dorés-sont
portés à l’un des angles du côté droit du carré : le feu est mis ensuite, au
son du tamtam, à tous ces papiers : c’est le moment où l’on dit l’offertoire,
qui se récite avec nombre de génuflexions devant les deux autels. A tout
cela succèdent des libations de liqueur sur les cendres des papiers brûlés
à gauche, et de quelques gouttes de thé sur l’autel du milieu. Les prêtres
font les memes libations du cote droit, et reviennent enfin devant l’autel
du centre pour y prier à diverses reprises, tantôt debout, tantôt à genoux,
ce qui se répète encore devant l’autel de droite.
Ainsi se termina la eeremonie telle nous laissa fort surpris-de la froide ■
indifférence avëc laquelle tous les assistans avoient regardé les simagrées
qui s exécutaient sous leurs yeux ; les bonzes eux-mêmes n’avoient pas
LIVRE II. — Du B r é s i l à T i m o r i n c l u s i v e m e n t . 6 57
montré le moindre recueillement, et tout annonçoit quune routine machinale
seule les avoit fait agir.
Les mets qui avoient figuré sur les autels des esprits ayant été retirés,
on les servit sur d’autres tables placées près de la porte d’entrée, et les
bonzes qui avoient officié se disposèrent à faire honneur au repas. Avant
tout, ils eurent la politesse de nous inviter à y prendre part ; mais sur
notre refus, ils se mirent à manger eux-mêmes et à boire du thé. Le
reste des viandes fut partagé ensuite, et porté chez chacun deux sur de
grands plateaux.
L ’un de ces prêtres chinois me donna deux bouts de bougie rouge, restes
de cierges qui avoient brûlé pendant la cérémonie, et m assura quen les
allumant en cas de danger,tcela me porteroit -bonheur. La même pensée
a germé dans nos contrées européennes. En Provence, a lepoque de
la Chandeleur, « chaque mère de famille, dit Marchangy ( 1 ) , revient
» de l’église avec une bougie allumée, et l’on regarde comme un pronostic
» fâcheux si elle vient à s’éteindre dans le trajet. Cette bougie bénite
» reste suspendue au coin du lit, et on l’arflume aux temps d’orage, aux
» accouchemens et dans toutes les circonstances difficiles, m
Indépendamment de la cérémonie dont nous venons de rendre compte,
nous vîmes encore, le même jour, un Chinois dresser un petit autel
près du rivage, brûler des baguettes odorantes, des cahiers de papier
doré; puis, de trois tasses de thé qu’il avoit remplies sur cet autel, en
jeter deux et boire la troisième: cela fait, il éteignit les flambeaux, et
remporta chez lui tout l’attirail dont il s etoit servi.
Il résulte du précis que nous venons de présenter des trois principales
religions- des Chinois, et des cérémonies dont nous avons rendu
compte,. 1 . “ que le sacrifice isolé au bord de la mer s’adressoit à
l’esprit du ciefr 2.0 que la cérémonie plus pompeuse qui eut lieu dans
le temple, se fit en l’honneur de plusieurs esprits tutélaires, dont l’un,
bien évidemment, étoit, ainsi que nous en avons déjà fait la remarque,
l’esprit protecteur des artisans et des marchands. Si je ne m’abuse, tout
tend à nous prouver que la religion professée par le plus grand nombre
De l’homme
en société.
(I ) Tristan le Voyageur, t. V I , et Statistique du département des Bouches-du-Rhône, t. III.
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