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renseignemens; j’ai tiré aussi de grands secours des notes de
MM. Lamarche et Duperrey ; les autres auxiliaires dont je me
suis servi, et qu’iï seroit trop long de rappeler ici, trouveront
successivement, dans le texte même de cette histoire, des
témoignages de mon estime et de ma gratitude.
Je me suis appliqué à rendre le style de ma relation simple,
clair et précis; mon but est de retracer des faits sans chercher
à éblouir le lecteur par des réflexions hasardées ou par les
écarts d’une imagination vague et légère, persuadé que des
observations justes et présentées sous le point de vue le plus
lumineux peuvent seules donner une idée exacte des pays
lointains et des peuples ignorés dont on veut décrire la nature
et le caractère distinctif.
Il n’est plus permis aujourd’hui de grossir ses relations du
récit des événemens qui arrivent si fréquemment en mer : la
description des tempêtes, presque toujours exagérée, la direction
que prenoit la route, la manoeuvre des voiles, les
relèvemens des terres aperçues, sont devenus des lieux communs
presque aussi inutiles au marin qu’ils sont fatigans et
superflus pour l’homme du monde. J ’ai cherché à ne pas
tomber dans ces répétitions continuelles sans intérêt comme
sans but.
La déclamation n’étoit pas un écueil moins dangereux à
éviter : n’est-il pas étrange en effet qu’un voyageur, parce
qu’il change de climat, qu’il est témoin d’une foule de choses
nouvelles, se croie autorisé à se servir, pour les peindre,
d’expressions emphatiques qui dénaturent les faits en les
présentant sous un jour illusoire? Ce défaut n’est pas le partage
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de l’homme en qui l’habitude de beaucoup voir réprime les
élans d’une admiration irréfléchie, et empêche qu’elle ne devance
le jugement ; c’est celui de quelques jeunes enthousiastes
attachés aux expéditions de découvertes, pour lesquels
tout est nouveau, et qui s’imaginent que leurs relations seraient
dépourvues d’intérêt, s’ils n’exaltoient les moindres
fleuves à l’égal du Gange et de l’Indus. En général, on ne
sauroit trop redouter, dans les récits de voyages, de montrer
des vérités historiques au travers du prisme de l’exagération,
ou au milieu d’un amas de réflexions oiseuses qui rebutent
le lecteur sans l’instruire.
Le plan que j’ai adopté de rejeter dans des ouvrages particuliers
ce qui pouvoit paroître trop abstrait dans une narration
historique, m’a permis d’écarter de la mienne les matières
qui n’étoient pas à la portée de toutes les classes de la société.
En même temps que je développe la série des événemens,
je n’oublie pas de tracer, dans des tableaux fidèles, l’esquisse
des pays que nous avons parcourus pendant les relâches de
l’expédition. Je ne parle de nos recherches scientifiques qu’en
passant, et seulement pour tenir le lecteur au courant des
principales opérations du voyage; je m’attache, au contraire,
à traiter avec le plus grand soin tout ce qui caractérise les
moeurs et les usages des peuples parmi lesquels nous nous
sommes trouvés.
Les remarques relatives aux langues auraient dû naturellement
trouver place dans ce cadre historique | mais
comme elles sont nombreuses, il m’a paru plus convenable
de les réunir, avec les vocabulaires, dans un ouvrage spécial
Voyage de l’Uranie. — Historique. -