
Colonie portug.
demeurent â la ville ; les autres sont disséminés dans la province, où l’ordre
possède un très-grand nombre d’habitations ( 1 )| des métairies, des sucreries
importantes, de vastes cultures, quantité desclaves, &c. &c. Ces moines
font même, dit-on, avec l’Inde un commerce étendu. Chez eux, on
ne retrouve point cette haute instruction qui rendit jadis leur ordre si
célébré en France : le soin de faire fructifier encore feur excessive fortune,
de rechercher avec empressement les délices d’une vie molle et
sensuelle, voilà ce qui les occupe; à peine daignent-ils parfois sauver,
par respect humain, les dehors de la bienséance. Maximas virtutes jacere
omnes necesse est, voluptate dominante. (Cicero, de Finibus,&c. 1. 11.)
Nous n avons recueilli aucune donnée sur le nombre des carmes ni
sur leur régime intérieur. Depuis que leur couvent a été réuni au palais
du souverain, ils habitent l’ancien séminaire da Lapa.
On compte au couvent de Sant-Antonio une soixantaine de franciscains.
Ces religieux, parmi lesquels il y a quelques hommes instruits,
ne possèdent aucun bien, ne vivent que du produit des quêtes qu’ils
font,et des offrandes qu’on leur apporte. Mais tout annonce que la règle
de ce couvent nest rien moins qu’austère : les moines, ën effet, obtiennent
facilement de leur supérieur la permission de sortir le soir et
de rentrer à toute heure de la nuit !...
A côté de ce relâchement, on admire la régularité des filles carmélites
de Sainte-Therese, qui, au nombre de vingt-une, ont la réputation d’être
très-vertueuses. Vivant en communauté, se servant elles-mêmes, personne
ne peut les voir, encore moins pénétrer dans leur retraite.
Il en est autrement des trente religieuses franciscaines-de la Ajuda :
quoique cloitrees, elles ont chacune, à ce qu’on assiye, plusieurs esclaves
qui les servent dans des logemens séparés, où il leur est permis de recevoir
des visites ; en sorte quelles sont maîtresses chez elles et presque
indépendantes. « Dans ces choses ia , comme l’observe judicieusement
» Mézerai, on en dit souvent plus qu’il n’y en a; mais aussi il y en a
| souvent plus qu’on n’en dit. »
En outré des religieuses , on reçoit encore à ia Ajuda de jeunes
( 1 ) Dont quelques-unes sont des couvens. Tous dépendent de l’abbaye de San-Bento de
Lisbonne.
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demoiselles que leurs parens y placent jusqu’à l’époque de leur mariage,
et quelquefois jusqu’à un âge assez avancé.
Etablissemens de charité. Parmi ces établissemens, on remarque d’abord
les trois confréries; de terceiros de San-Francisco d’Assis, de N. S. do
Carmo et de San-Francisco de Pauia : cette dernière est ia plus considérable,
(1), Chacune de ces confréries a ses fonds particuliers, son église
et son hôpital, où l’on reçoit- gratis ceux des frères qui sont pauvres et
malades ; elles ont aussi une maison pour leurs vieillards réduits à ia
misère.
Mais l’institution de ce genre la plus belle et ia plus digne d’éloges, est,
sans contredit, celle qui est connue sous le nom de Santa Casa da Mise-
ricordia, L ’époque où elle prit naissance en Portugal remonte, assure-t-on,
à l’année 1 520. Un moine dominicain en eut la première idée {2) : le roi
Emmanuel le Fortuné et sa femme Éiéonore d’Autriche (3) l’encouragèrent
beaucoup, de manière qu’en peu de temps les bienfaits s’en répandirent,
non-seulement dans tout le royaume, mais aussi dans, ses colonies. Le
but que se proposent les membres de cette pieuse association, c’est
d’élever, d’instruire et de soulager le plus possible les individus des classes
pauvres et souffrantes. « Il suffit d'être malheureux ou infirme pour en
» être assisté, dit Murphy (4 ). Leur charité ne se borne pas à accueillir
» les affligés, elle va encore les chercher et leur porter des çqnsola-
« tions et des secours dans leurs asiles particuliers. » Le roi, les princes,
tous les seigneurs de' la cour, ainsi qu’une foule de gens d’un rang
moins éminent, appartiennent à cette association; et c’est un spectacle
bien touchant que de voir, dans les réunions , le plus petit artisan assis
à côté du grand seigneur, avoir tous les deux le même droit de voter,
dé décider, &ç., jouir enfin là d’une égalité parfaite. Les sommes
d argent, très-considérables, dont la confrérie dispose, sont appliquées à
l’entretien des établissemens suivans, savoir : i.° un hospice pour les enfans
( 1 ) Nous ne parlons pas de quelques autres moins importantes, formées par des soldats,
par dés nègres, & ç . & ç .
(2) La majeure partie de ces détails m’ont été fournis par M. d’AImeida.
(3 ) Maries en i 5 19 ; Emmanuel mourut en 15:21.
(4) Voyez Murphy, Voyage en Portugal, d fc ,, fait pendant les années 178.9 et 1790.
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