
Colonie pórtug.
promptement dégoûté par le risque qu’il court de les perdre et de voir périr,
en outre, une partie de ses bêtes de somme; chances qui absorberoient, et
bien au-dela, les bénéfices a espérer. « J ’ai eu occasion de parcourir dans
un intervalle de trois lieues, dit M. Quoy, la plus grande et sur-tout la
plus importante route du Brésil, celle de Rio de Janeiro à Minas-Geraes,
que fréquente continuellement la quantité immense de mulets qui portent
aux provinces voisines les denrées dont elles ont besoin, principalement
le sel, et qui reviennent chargés de pierreries et de l’or qu’on obtient par
le lavage ; je puis assurer que cette route royale, sur divers points qui
équivalent à deux lieues sur trois, est couverte d’eau, de boue, et remplie
de creux, depuis Porto da Estrella, ou elle commence, jusqu’au pied des
montagnes du même nom. Là seulement se trouve l’origine dune chaussée
pavée qui se dirige à travers les montagnes, et dont la beauté contraste singulièrement
avec le chemin qu’on a parcouru précédemment. Enfin, lorsqu’il
a plu pendant un ou deux jours,.on ose a peine hasarder des mulets sur celui
ci, dans la crainte qu’ils ne se perdent dans la boue avec leurs charges. Il
suffiroit cependant de la volonté du Gouvernement pour rendre cette route
par-tout aussi belle que la chaussée dont je.viens de faire mention, vu
Eschewege ne rend pas un compte plus favorable de laroute royale qui va
de Rio de Janeiro à San-Pauio, en passant par Santa-Cruz [yoy. pl. 1 ).« Quoiqu’elle
porte le nom de principale route, dit-il, elle n’est qu’un mauvais sentier
qui, après une grande pluie, n’est pas praticable ; par-tout on y rencontre
des animaux morts et vivans, des boeufs et des mulets enfoncés dans le
bourbier ou gisant entre des roches où ils se sont cassé les jambes (1). »
On doit penser que les routes d’un ordre secondaire ne sont pas
moins misérables que celles qui viennent d’être citées ; tous les voyageurs
qui ont parcouru le Brésil s accordent à cet égard, et se demandent si
cest a une politique mal entendue ou aune imprévoyance yraiment inconcevable
, qu’il faut imputer le maintien d’un état de choses qui a entravé
jusqu’ici le développement de la prospérité agricole et commerciale
de ce vaste empire. La rareté des ponts sur les rivières, souvent même celle
des bacs de passage, vient encore accroître la serie des obstacles qui nuisent
à la facilité des communications.
(1) Voyez Journal von Brazilien.
LIVRE I.er — D e F r a n c e a u B r é s i l in c l u s iv e m e n t . 2 4 5
Auberges sur les routes,— Le défaut absolu d’auberges, car on ne peut pas
donner ce nom aux mauvais hangârs (i)capables à peine de fournir un abri
contre la pluie, non plus qu’à de misérables cahuttes dégoûtantes de saleté,
et dépourvues des choses les plus nécessaires à la vie ; le défaut d’auberges,
dis-je, n’est pas une-des incommodités les moins essentielles que les voyageurs
aient à supporter. Eschewege, sur la route royale de Minas-Geraes,
décrit ainsi un de ses meilleurs gîtes : « L’appartement qu’on nous des-
» tinoit étoit plus sale qu’aucun de ceux que j’aie vus en Portugal ; une
« table, une couchette et deux .bancs, auxquels il manquoit plusieurs
» pieds, faisoient tout l’ameublement de trois chambres. Le toit étoit
» troué par-tout, et servoit de repaire à une grande quantité de rats et
» de chauves-souris. Le souper consistoit en deux poules cuites avec du
riz et en une bouteille de vin; la couchette étoit recouverte d’une
» simple natte-en paille (2). »
A Porto da Estrella, l’un des points les plus passagers et les plus
commerçans du voisinage de la rade, « on trouve, dit encore Eschewege
(2), une auberge supportable où l’on donne à boire et à manger à .
force d’argent, et une autre où l’on peut avoir des vivres; mais il n’y a
pas de lits pour coucher. ■>
Dans les hôtelleries d’un ordre inférieur, on n’a ordinairement pour se
restaurer que de la farine de manioc, du maïs, des fèves noires, et de
temps en temps de mauvais tafia; c’est tout ce qu’il est possible de se
procurer pour de l’argent, encore doit-on le payer fort cher.
Il suit de ce qui précède, que, lorsqu’on veut voyager dans l’intérieur du
Brésil, on doit, autant qu’il est possible, se munir (indépendamment des
drâps de lit , d’un matelas et d’une couverture) des provisions de bouche,
des ustensiles de cuisine et même de la bougie dont on peut avoir besoin ;
car le défaut de luminaire est/sur toutes les routes de cette vaste contrée,
une des contrariétés les plus insupportables pour des voyageurs européens.
Peut-être ne sera-t-il pas mal, suivant le conseil deMawe, de se
pourvoir aussi de quelques médicamens.
Portarias. — Les personnes qui voyagent avec l’autorisation du Roi ont
( 1 ) On les appelle ranchos dans le pays, comme en Portugal et en Espagne.
(2) Op. cit.
Colonie portug.