
Rio de Janeiro. » qu’ils auraient eu l’intention de monopoliser. Ils eussent mis en doute
Esquisse histor: À une société constituée comme celle des jésuites, pouvoit être mue
' 7Î5' » par le genre d’ambition dont on l’accusoit, ou pouvoit être capable
» d’avarice. Les motifs par lesquels les autres hommes sont portés à viser
» à l’accumulation des richesses ou à 1 établissement dun empire tem-
» porel, n’étoient certainement pas applicables à ceux-ci. La plus légère
» teinture de leur histoire en Amérique eût dû montrer qu’ils n agissoient
» point d’après le système prémédité d’agrandissement qu’on leur suppo-
» soit. Ceci étoit certain, puisque leurs divers établissemens différaient
» autant en économie que dans les constitutions memes auxquelles ils
» étoient soumis. Leurs institutions, dans le Nouveau-Monde, furent
» adaptées aux circonstances locales et au caractère des diverses tribus,
» ainsi que leurs habitudes en Europe l’avoient été conformément aux
» usages des contrées où ils se trouvoient. Ils devinrent commerçans par
» nécessité, parce que leurs institutions étoient soutenues par les pro-
» duits qu’ils pouvoient recueillir ou faire naître : s’il y avoit quelque
» superflu, après avoir satisfait aux charges de l’établissement, de quelle
» manière etoit-il dépensé I L’eût-il même été simplement à élever des
» églises ou à les décorer d’ornemens venus d’Europe, un tel objet ne
» devoit certainement pas être considéré comme indigne ou sans impor-
» tance par un gouvernement éclairé et chrétien. Mais quand on consi-
» dère que ces profits étoient sur-tout appliqués à soutenir les missions ,
» au succès desquelles l’État étoit immédiatement intéressé, puisque, par
» l’acquisition de chaque nouvel Indien converti, le nombre des sujets du
» Roi étoit augmenté ; qu’ils servoient aussi à établir des collèges dans
» lesquels une instruction gratuite étoit distribuée sur une terre où aucun
» autre instituteur n’existoit alors ; à l’entretien de prêtres qui ensei-
» gnoient par-dessus toute chose l’obéissance aux lois, et aidoient le
» clergé séculier dans l’exercice de devoirs pour lesquels , même avec
» ce -secours, les ouvriers étoient encore si peu nombreux : quand toutes
» ces choses, dis-je, eussent été dûment pesées, un véritable homme
» d’état eût assurément pensé que les jésuites d Amérique étoient dignes
» d’une faveur spéciale , de protection et d’encouragement Mais
» Pombal avoit arrêté son plan de réforme, et tous ceux ou tout ce
'» qui en entravoit ia marche étoit détruit sans hésitation et saris re- Rio de Janeiro.
. . . ‘ Esquisse histor.
» m o r d s ( i ) . » y '
v . 1755.
Les plaintes de Furtado cependant ne tardèrent pas à produire les
fruits qu’il pouvoit en attendre. « Des ordres arrivèrent de la cour pour
» priver tous les missionnaires de leur autorité temporelle, et charger les
» gouverneurs d’ériger les aidées les plus florissantes en villes, et les
» plus petites en villages. Quoique les ennemis coloniaux des jésuites
» eussent obtenu en cela ce que leur coeur souhaitoit, il ne leur fut
» point permis, selon leurs voeux et sans restriction, de réduire à l’es-
>> clavage les misérables indigènes (2). »
Les Indiens furent donc affranchis de l’esclavage, et les aidées transformées
en cités à l’européenne (3). Le gouverneur des provinces de
Maragnan et de Para voulut même organiser une aidée d’après ses idées
particulières ; mais après avoir dépensé vainement plusieurs millions , il
se convainquit que les richesses et le pouvoir sont impuissans pour captiver
la confiance de l’homme sauvage et réformer ses inclinations, lorsqu’ils
n’ont pas pour auxiliaires le zèle religieux et sur-tout la charité
chrétienne, dans la véritable acception du mot.
Dans ces entrefaites, une révolte eut lieu parmi les troupes : le gouverneur
supposa gratuitement que les jésuites en étoient les instigateurs, e t , à
cette occasion, il renouvela contre eux les accusations les plus fausses et les
plus frivoles ; il crut même devoir faire arrêter ceux de ces religieux qui,
à cause de leur grande capacité, étoient jugés avoir le plus d’influence,
et il les envoya en Portugal comme prisonniers d’état. Ceux-ci trouvèrent
moyen de faire parvenir au Roi leurs doléances ; mais le mémoire
qui les contenoit étant tombé presque immédiatement sous les yeux du
marquis de Pombal, le seul effet que produisit cet écrit fut d’irriter plus
fortement encore contre eux le ministre.
« II se trouve toujours assez d’instrumens de malheur pour mettre à
» exécution les intentions les plus perverses d’un pouvoir tyrannique ;
(1) Op. cit. t. I I I , p. 509...
(2) lbid. p. 512.
(3) L’opération n’étoit ni longue, ni compliquée: tout se bornoit à imposer un nouveau
nom à l’aidée, et à ériger sur la place publique une sorte de pilori.
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