
i2 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Objet le succès d’une entreprise d’autant plus flatteuse pour nous, que c’étoit la
préÿàratffs’ première expédition dans laquelle des officiers de marine seuls eussent été
et départ. chargés de travaux scientifiques aussi importans.
Nous vîmes arriver avec joie l’instant du départ. Plusieurs d’entre nous,
destinés à succomber aux dangers et aux fatigues d’un long et pénible
voyage, ne dévoient plus sans doute revoir leur patrie, leur famille!....
mais ces idées sinistres n’occupoient l’esprit de personne. Le coeur rempli
de l’ardeur la plus noble, chacun de nous sourioit par avance au bonheur
de pouvoir rassembler une grande masse de matériaux utiles, et de
s’acquérir par-là dés droits à la bienveillance et à l ’estime de son pays.
L’ancré fut levée le 1 7 septembre 18 17 , à sept heures et demie du
matin; à l’instant même ïUranie déploya toutes ses voiles et fit route pour
sortir de la baie.
CH A P I T R E II.
' De Toulon h Gibraltar inclusivement.
E n mer, les petites distances né sont pas toujours celles qu’on franchit 'g. ‘ ^ re
avec le plus de promptitude. La brise a beau souffler dans une direction
favorable, si elle est foible, on navance quavec lenteur; et souvent
le calme des eaux, la pureté du ciel, qui récréent la vue, sont aussi
redoutés des marins que les tempêtes et les orages. Nous fîmes plusieurs
fois l’expérience de cette vérité, après notre départ de Toulon; ce qui,
joint aux vents contraires que nous éprouvâmes quelquefois, ne nous
permit d’arriver que le 5 octobre en vue des hautes terres de Gibraltar.
La variété de nos manoeuvres nous laissa le loisir d’examiner, en faisant
route, les côtes gracieuses de la Catalogne, du royaume de Valence et des
îles Baléares, que nous approchâmes parfois d’assez près, sans néanmoins
que les remarques superficielles que nous pûmes y faire aient eu assez
d’importance pour mériter de trouver place ici.
Un événement malheureux vint répandre-à bord la tristesse et le deuil. Octobre.
M. Prat-Bernon, élève de la marine, avoit eu, peu de temps avant notre
mise sous voiles, une légère atteinte de fièvre; mais l’excès de son zèle et la
crainte de ne pas faire le voyage l’engagèrent à la dissimuler. Cette maladie
prit en mer un caractère adynamique extrêmement grave, que nos habiles
médecins combattirent par les remèdes les plus énergiques. D’abord
on se flatta de quelque succès; mais une rechute ayant eu lieu ramena
les symptômes les plus alarmans : bientôt il n’y eut plus d’espérance ; et le
7 octobre, à deux heures du matin, nous eûmes la douleur de perdre cet
estimable officier. « J ’étois alors de garde près de lu i, dit M. Gaudichaud :
» tant qu’il conserva sa raison , il m’édifia par les preuves touchantes qu’il
» donnoit de sa résignation, de son grand courage, de la confiance qu’il
» avoit dans les sacremens qu’on lui avoit administrés la Veille, et dans la
» vie éternelle qu’il entrevoyoit déjà. C’est en exprimant avec beaucoup de
»> difficulté ces dernières pensées qu’il perdit connoissance, fut quelque