
I
1818.
Octobre.
qu’il gouverne,et les Hollandais qui le protègent, sont très-satisfaits de
son administration, ainsi que de son caractère, dont il est parvenu à se
rendre le maître.
Nake-Tetti, raja de Dao, paroissoit avoir soixante ans; près de lui
étoit son premier ministre. Nous devons au crayon de M. Arago le portrait
de ces deux rajas ; on peut les voir planche 1 6.
Le 1 8 octobre, pendant une partie de chasse, MM. Gaimard et Gaudichaud
remontèrent la riviere de Coupang, e t, après avoir gravi une
montagne fort abrupte et boisée, iis arrivèrent près d’une belle propriété
qu on leur dit appartenir a un raja qui se trouvoit alors à la guerre (1).
Ils virent a gauche de cette habitation, des monumens qui attirèrent
leur curiositéj d’un côté c’étaient deux tombeaux en pierre, sur l’un desquels
on lisoit une inscription hollandaise; et plus loin une maison en
paille, de forme irrégulièrement conique.
A côté de l’un des tombeaux, se trouvoit un arbre dégarni de feuilles,
portant a 1 extremite de ses branches deux têtes de mort privées de l’os
maxillah-e inférieur , et encore garnies d’une longue chevelure. Malgré la
difficulté de se faire entendre , ces messieurs apprirent cependant des
habitans voisins que ce tombeau étoit celui d’un de leurs rajas, et que les
têtes placées au sommet de l’arbre avoient appartenu à des prisonniers
faits à la guerre, soit par le raja lui-même, soit, ce qui est plus vraisemblable,
par quelqu un des siens ; elles avoient été mises là comme un
trophée ou un hommage rendu à ses mânes.
Quant à la maison conique, dont le toit descendoit presque à terre
( voyei pl. 25) ), on la qualifia de rouma pamali, maison sacrée, maison
des morts. « Nous y pénétrâmes, dit M. Gaudichaud, malgré les cris et
les signes multipliés de ceux des naturels qui étoient autour de nous, et
sans qu’aucun d’eux osât en faire autant. Nous nous doutâmes bien que
ce devoit être là un des lieux de leurs cérémonies religieuses, un de leurs
temples, mais nous agîmes comme si nous n’eussions compris ni leurs
gestes, ni leurs cris.
« Ce cone de paille étoit soutenu par des pieds diversement sculptés,
( 1 ) C étoit probablement la demeure du raja de Stolo, royaume dont il sera parlé plus tard.
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LIVRE II. — Du B r é s i l à T im o r in c l u s iv e m e n t . 4p 7
représentant des crocodiles, des lézards, &c. Deux grandes tables rondes,
supportées par des pieux, en formoient tout l’ameublement. »
M. Bérard, chargé de faire la géographie de Coupang, jugea comme
moi qu’une course à l’extrémité orientale de la haie de Babao seroit nécessaire
à la perfection de ce travail ; je mis en conséquence le grand
canot de la corvette à ses ordres, et lui fis fournir un pilote du pays pour
le diriger au milieu des hauts-fonds qu’il pourrait rencontrer. II partit,
le 20 octobre, accompagné de MM. Gaimard et Gaudichaud, -qui deT
voient profiter de cette occasion pour augmenter leurs collections d’histoire
naturelle, et de MM. Requin et Dubaut, adjoints bénévoles de
nos observateurs. L’embarcation quitta ïUranie à trois heures et demie
du matin, et, après quelques stations que nécessitèrent les opérations
de M. Bérard, elle arriva, non sans difficulté, sur une plage sablonneuse
voisine du village de Babao.
« A peu de distance du lieu de notre débarquement, raconte M. Gaimard,
un crocodile nous parut endormi : d’abord nous le prîmes pour une pièce
de bois ; mais à mesure que nous approchions, nous reconnûmes parfaitement
toutes les parties de cet affreux reptile. Décidés, mes collègues
et moi, à agir de concert, nous nous avançâmes précipitamment; mais
à peine fûmes-nous arrivés à la distance d’une portée de fusil, que nous
vîmes le monstre se mouvoir avec lenteur, et se retourner pour gagner
la mer dont il n’étoit éloigné que de quelques pieds. Nous fîmes feu sur
lu i, et quoique nos balles l’eussent atteint, l’animal ne laissa pas de continuer
sa retraite, et bientôt il disparut tout-à-fait.
» Après cette deconvenue, nous prîmes la route du village de Babao, et
fîmes halte chez un Chinois, dont la femme, assez jolie , et bien moins
sauvage que les Chinoises de Coupang, nous prépara du thé excellent.
Diverses bagatelles offertes à ces bonnes gens parurent les dédommager
amplement de la peine que nous leur avions donnée. »
Quelques momens de repos ayant suffi pour réparer leurs forces,
M. Gaimard et quelques-*uns de ses compagnons continuèrent leur route
le long de la plage , avec l’intention de pénétrer dans l’intérieur des marais,
et de se procurer un crocodile. Ils ne tardèrent pas à en apercevoir un
dont ils estimèrent la longueur à 25 pieds, et un autre qui en avoit de
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