
i 5 à 1 8, mais hors delà portée de leurs armes ¡enfin, après bien des fatigues,
après s’être mis parfois dans la vase jusqu’aux hanches, iis furent obligés
de renoncer à leur projet. « Quant à moi, dit M. Gaudichaud, je profitai
de ce temps pour herboriser, et visiter, autant qu’il m’étoit possible', le
petit bourg de Babao. Ce lieu est entouré de canaux et de fossés qui,
communiquant avec la mer; paroissent destinés à sécher le pays : malheureusement
, par suite de quelques fausses mesures ou de travaux incomplets,
ces saignées dans les terres n’ont servi réellement qu’à rendre
l’humidité plus grande, à cause des inondations qui arrivent à chaque
forte marée. Pareil effet n aurait pas lieu, si l’on établissoit deux écluses ,
dont toute la manoeuvre consisterait à lever l’empellement à marée basse,
et à le fermer à marée montante : mais ces expédions, malgré leur simplicité
, sont encore au-dessus de la conception des habitans de- ces
contrées. »
Quittant enfin Babao à huit heures du soir, nos amis furent de retoiir
à minuit à bord de la corvette. Cette course est la dernière de celles
qui, ayant eu lieu à Coupang, puissent offrir quelque intérêt au lecteur;
car je n’insisterai pas sur une incursion que fit M. le docteur Quoy sur
la petite île Kéra, située à l’entrée de la baie, dans l’intention d’en
examiner les productions naturelles.
Toutes nos observations terminées, et bien que les soins deM. Tielman
n’eussent pu réussir à nous procurer l’acquisition complète des objets de
ravitaillement qui nous étoient .nécessaires, je n’en fis pas moins faire
tous les préparatifs de départ : f ’état sanitaire de l’équipage m’y engageoit
fortement, car déjà cinq dysentériques étoient sur les cadres, et il y avoit
tout lieu de redouter que les circonstances fâcheuses dans lesquelles nous
vivions n’augmentassent encore le nombre des malades. En conséquence,
le 23 octobre, après avoir pris congé de la famille Tielman, nous remîmes
sous voiles pour continuer notre navigation.
§. g
Traversée de Coupang à Ddlé.
Mon intention, en quittant Coupang, étoit de prolonger rapidement
de l’Ouest à l’Est la côte septentrionale de Timor, d’en faire la géographie,
et de me rendre, sans relâche intermédiaire, à l’île Vaigiou,
où nous appeloit la suite de nos travaux. Mais les obstacles que les
courans , les calmes et les vents contraires vinrent opposer à notre
marche, ainsi que le nombre toujours croissant de nos malades, m’obligèrent
plus tard à modifier ce plan, ainsi qu’on le verra par la suite.
■ « Cotoyant à une assez petite distance , le 24 octobre, les rivages de
l’île que nous venions de quitter, chaque pointe, en la doublant, nous
offrait un paysage nouveau et graduellement varié, qui, s’affoiblissant peu
à peu, ne disparoissoit enfin que pour faire place à un autre site plus ou
moins pittoresque, plus ou moins embelli par les couleurs brillantes de
la nature.
« L à , c’est une-jolie maison enfoncée sous des milliers de palmiers,
dont les têtes réunies, et entrelacées en quelque sorte, forment une
voûte impénétrable à l’ardeur du soleil; ici, une chaîne de montagnes
dont le prolongement va se confondre au loin avec le vague de l’atmosphère;
au-delà, une plaine plus ou moins sinueuse, bornée à l’horizon
par des montagnes couvertes de verdure, dont fes pitons gigantesques
semblent former comme de nouvelles montagnes au-dessus de la ligne
irrégulière des vapeurs : ailleurs, la fumée qui s’exhale dans l’air indique
les places où les naturels ont allumé des feux ; l’imagination croit y distinguer
ou le camp d’un raja, ou une ville, ou un village», ou simplement
une chaumière. Quelquefois enfin, le terrain, quoique toujours
couvert de verdure, n’offre plus, au lieu de ce tableau riant, que des
précipices, des montagnes diversement déchirées, dont l’aspect sauvage
fatigue l’oeil et glace le coeur ; on ne cherche plus à y voir des hommes,
ni de ces Astérina, de ces Canda, de ces Sana charmantes, qui, malgré
leur bétel, ont fait battre le coeur à plus d’un de nos compagnons.
» Les sensations ont changé avec le tableau; elles ne vous laissent