
Attributions
du gouverneur.
Peu de temps avant l’incendie, le commerce prospérait, l’agriculture
avoit double, triplé ses revenus; l’île étoit réellement redevenue florissante.
Aujourd’hui encore les campagnes sont en assez bon état : mais
un fléau d’une autre espèce, que nous avons déjà signalé, atteint l’agriculture
; les bras manquent, et le temps n’est peut-être pas loin où une
partie de l’île restera forcément inculte. Admettons que les grands propriétaires
soient capables' de maintenir à grands frais dans leurs -demaines
un nombre suffisant de noirs ; la même ressource manquant aux petites
cultures, la ruine de celles-ci deviendra inévitable. On en voit déjà
plusieurs, exploitées chacune par vingt ou trente esclaves, être abandonnées
ou vendues comme onéreuses, et les “noirs cultivateurs passer
sur de plus vastes établissemens. Encore quelques années , et c’en est fait
de la colonie, si l’on ne trouve moyen d’y combler, par des voies légitimes
, les pertes successives causées par l’interdiction de la traite. Des
Maigaches-'ou des Malais, engagés et payés comme ils le sont à Java, ne
seraient- ils pas propres à remplir cet objet ?
Plus de facilité donnée au commerce extérieur rendrait la vie à l’industrie
mercantile, mais ferait peu pour l’agriculture. L’ouverture de
routes'hiouveiles et la restauration des anciennes, l’introduction des bêtes
de trait, ont déjà produit un bien notable ; cependant cela ne suffit pas.
Espérons que le sort d’un si beau pays ne sera pas laissé à l’abandon;
qu’on trouvera des remèdes au malaise qui le travaille, et ^Lûtn gouvernement
paternel et éclairé saura prévenir sa ruine entière.
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Gouvernement de la colonie.
Depuis que la colonie appartient aux Anglais, le gouverneur en a été
le chef unique. Il a sous ses ordres le secrétaire du gouvernement, qui
est chargé de la partie administrative, et un commissaire de justice ou
grand juge , qui a la direction d^s affaires judiciaires. Mais le gouverneur
peut trancher sur tout, s’il lui plaît d’en prendre la responsabilité.
Quoique tous les ordres émanent de lu i, le secrétaire du gouvernement
et le grand juge sont ordinairement consultés dans les affaires qui les Gouvernement
T | , . de la colonie.
concernent. Le gouverneur peut nommer a toutes les places par intérim,
destituer de même, augmenter les appointemens, les diminuer, lever
des impôts ou les réduire ; en un mot, il est maître absolu,. et il n’y
a dans la colonie aucune autorité légale à laquelle on puisse s’adresser
contre les actes abusifs qu’il peut commettre. A la véÿité, libre à quiconque
se croit lésé de faire parvenir ses griefs à Londres ; mais
les frais énormes qu’il faudroit faire pour arriver seulement à obtenir
l’examen de sa réclamation, la crainte de succomber une seconde fois,
ces considérations de prudence qui conseillent de ne point lutter ouvertement
contre les dépositaires du pouvoir, tout concourt pour étouffer
les plaintes et faire supporter avec résignation le préjudice qu’on est convaincu
d’avoir souffert.
L’administration civile et l’administration militaire sont indépendantes Administration,
l’une de l’autre. La solde des militaires est payée par la métropole, sauf
la gratification coloniale, qui se paie ici. L ’artillerie a aussi ses dépenses
particulières, et tire ses traites à part pour y subvenir. Mais la marine
sur--tout est la puissance la plus indépendante : elle, n’a de compte à
rendre ni au gouverneur,.ni au commandant militaire ; elle ne reconnoît
que son amirauté, fait ce qu’elle veut, va, vient., arrive et part sans que
personne ait droit d’inspecter ses actes. Les commandans des bâtimens
de guerre sont même dispensés du concours des autorités coloniales pour
ce qui regarde leur ravitaillement ; ils tirent les traites qui leur sont
nécessaires, font leurs achats, leurs opérations et remplacemens, paient
leurs équipages, et sont soumis, pour la comptabilité de ces divers
détails, au contrôle seul de l’amirauté, qui les a commissionnés.
En outre du secrétaire du gouvernement et du grand juge, il existe
encore d’autres officiers publics, tels qu’un auditeur, un trésorier général»
un chef des douanes et un receveur général des impositions. Tous les
revenus vont au trésor; le montant des traites que tire le gouvernement
civil y est versé, et c’est de là que les fonds se répandent dans les différentes
branches de l’administration : chacune, à cet effet, a sa feuille
particulière. A l’époque des paiemens, chaque chef de service porte cette
feuille à l’auditeur; celui-ciexamine si les commis sont ponctuellement
Voyage de VUranie. — Historique. j j j