
D après la remarque qu’on a faite que les moustiques ne s’élèvent
jamais à soixante pieds au-dessus du sol, on fait au collège coucher les
pensionnaires au troisième étage ; par - là on s'affranchit de l’obligation
d’avoir des moustiquières à chaque lit.
Le dortoir a pour surveillans, la nuit, deux noirs esclaves: je ne sais
si les parens trouvent là une garantie morale suffisante.
Le service de la maison est fait par douze noirs, cuisiniers compris,
huit negresses lingères ou blanchisseuses, et par une femme blanche, qui
dirige à-la-fois la lingerie et l’infirmerie.
Une des choses les plus utiles que j ’aie vues dans le matériel de
l’établissement, c’est un grand bassin de soixante-cinq pieds de long "sur
vingt de large, qui sert à baigner les élèves; on les divise en deux troupes,
les_ petits et les grands, qui y entrent l’une après l’autre.
Les élèves sont obligés de changer de linge tous les deux jours, et
plus souvent encore si les parens le desirent.
Après qu on a soldé toutes les dépenses de la maison, les salaires des
employés et des professeurs, les fonds restans sont affectés aux réparations,
au dévèloppement, ainsi qu’à l’embellissement du collège.
Par ordonnance du 26 août 181 1 , le gouverneur a décidé qu’il n’y
auroit a Port-Louis que trois maisons pour l’éducation des demoiselles
blanches. On y enseigne à lire, à écrire, les principes des langues française
et anglaise, l’arithmétique, les élémens d’histoire, de géographie
et de mythologie, le dessin, la musique, la danse et les ouvrages
à 1 aiguille. Les jeudis sont consacrés à l’instruction religieuse ; les
dimanches, aux offices divins. Le prix pour la pension est de 25 piastres
[ I 3 5 f»7 5 c] Par mois ; pour la demi-pension, de 15 piastres [8 i f,4 5e] ;
et pour I externat, de 6 piastres [3 2f, j 8e], Les inconvéniens qui viennent
d etre signales à 1 égard du collège, sous les rapports de l’ordre et des
études, sont les mêmes, ou à-peu-près, dans les pensions de demoiselles.
* Diverses maisons d éducation se sont établies plus récemment, tant
pour les garçons que pour les filles de couleur : ce sont des blancs et
des blanches qui les dirigent. On dit qu’il en sort des personnes bien
élevées ; mais je n’ai obtenu aucun renseignement précis sur le régime
intérieur de ces établissemens.
LIVRE II. — Du B r é s i l à T i m o r i n c l u s i v e m e n t . 4 ° 3
Une personne respectable m’a assuré q u e l’éducation religieuse est
extrêmement négligée à l’Ile-de-France ; on va même jusqu’à dire qui!
est des familles qui élèvent leurs enfans dans des habitudes morales indépendantes
de tout dogme religieux.
Quant aux noirs esclaves, l’incurie la plus coupable regne sur ce point
à leur égard : on s’occupe de .Ieur santé corporelle ; mais peu de maîtres
songent à leur inculquer les notions les plus simples de morale et la
crainte d’un Dieu vengeur et rémunérateur. Ce n’est pas que naturellement
les noirs ne soient très-portés aux idées religieuses; mais l’instruction
leur manque; aussi la plupart vivent et meurent entourés des pratiques
de ta plus abjecte superstition.
J ’ai déjà dit un mot des plaisirs auxquels se livrent les habitans blancs;
prétendre en donner un tableau plus étendu, ce seroit s exposer à décrire nos
m oe u r s européennes. Ceux des gens de couleur nous fourniront des particularités
moins connues, et dès-lors plus capables de piquer la curiosité.
Les noirs aiment beaucoup la musique : ils retiennent facilement nos
airs, et les chantent ou les sifflent avec plus de goût et même de sentiment
qu’on ne devroit leur en supposer. Ils composent aussi de petits
thèmes, presque toujours pleins d’une expression mélancolique, et dont
la mélodie plaît à l’oreille européenne la plus exercée : on désigne généralement
ces airs sous le nom de chéga, ou plutôt tchega; quelques-uns ne
seroient pas désavoués par nos bons compositeurs. Parfois ils y adaptent
des paroles cadencées, d’une facture irrégulière sans doute, mais où l’on
entrevoit une intention suivie, et souvent même des idées spirituelles.
Voici quelques-unes de ces compositions musicales :
CH ÉG A D E M A G A S IN -B O N -G O Û T ; A IR MOZAMBIQUE.
Allegretto : Métronome, J n.° i z6.
Aniusemens.