
bord de ia mer, ou à-peu-près, et deux cent quatre-vingts sur des points
plus ou moins élevés de ia montagne : toutes ces pièces, à ce qu’ii nous a
semblé, sont du calibre de trente-sixoude quarante-huit, montées sur des
affûts en fer d’une forme élégante et bien entendue.
Les fortifications commencent du côté de l’Ouest, au bas de la ville,
dont les murs s’avancent jusque dans ia mer; elles s’élèvent progressivement
ensuite vers le sommet de ia montagne, où l’on trouve encore des bat*
teries. Mais le plus bel ouvrage à voir en ce genre, par l’immensité et
la régularité du travail, est ce que l’on nonime les Galeries. Comme,
du côté du Nord, le rocher est perpendiculaire et n’offre naturellement
aucun point pour y mettre de l’artillerie, on a remedie a cet inconvénient.,
en creusant, à grands frais, dans le roc, plusieurs étages de galeries
souterraines, le long desquelles on a ouvert, par intervalles, des
espèces d’embrasures où l’on a placé des canons. Ces fortifications singulières,
dont on ne conçut au reste l’idée qu’après le siège de 17 8 2 ,
sont très-vastes : elles sont éclairées d’abord par les embrasures elles-
mêmes, e t ,fde distance en distance ensuite, par des lucarnes plus élevées
, de cinq pieds environ de diamètre. Chaque pièce peut se manoeuvrer
dans un espace qui na pas moins de douze pieds de laigeur,
et sur les côtés duquel sont pratiquées des loges particulières pour tous
ies objets nécessaires au service de l’artillerie. De ces galeries inexpugnables
, les canonniers pourroient aisément foudroyer les ennemis sans
en être vus.
On peut juger de 'la difficulté d’une telle construction par la dureté
même de la pierre, qu’il a fallu entamer presque par-tout avec la
mine. Aussi, à chaque pas, aperçoit-on, à la voûte et sur les parties
latérales de ces galeries, les marques multipliées d’un pareil moyen
d’exécution.
On monte, par des chemins pratiqués avec art, jusqu’au sommet de la
montagne, où étoit placée une batterie de mortiers que la foudre fit
écrouler en 18 1 3 : on en voit encore des débris. Ces chemins sont parfaitement
bien entretenus, et ia pente en est assez douce pour qu’on
puisse y aller à cheval.
Du haut de ce rocher fameux, qui forme, avec le mont aux Singes,
LIVRE I.er — D e F r a n c e a u B r é s i l in c l u s iv e m e n t 2 1
le détroit'qui réunit ia Méditerranée à l’Océan Atlantique, ia vue est
vaste et imposante. Au Sud et dans le lointain, on découvre les côtes
d’Afrique. Du côté de l’Espagne, les regards planent sur la petite ville
de Saint-Roch et ses lignes de fortifications à-peu-près détruites; de
nombreuses tours abandonnées, bâties du temps des Maures, bordent
le rivage, et font connoître les moyens employés alors pour se premunir
contre ies attaques de ces terribles voisins. Il paroit que ceux-
ci eurent un château fort à Gibraltar (1) : la tradition a conservé le
nom d’un de leurs chefs à un édifice qui tombe en ruine, et qui est
remarquable par une enorme tour carree bâtie simplement en terre,
mais d’une manière si solide, qu’après avoir résisté.-aux injures du temps,
elle sert encore aujourd’hui de prison.
Dans l’Ouest, au-delà de la ville, qui se montre elle-même d’une manière
si pittoresque, ia baie de Gibraltar se dessine en demi-cercle. Les
•navires de toute grandeur qui y naviguent presque sans cesse animent le
iableau, et nous avons pu juger, par le nombre considérable de vaisseaux
de guerre et de commerce qui étoient à l’ancre, de l’importance de ce point
de relâche. A i’opposite, paroît la ville d’Algéziras, dont le nom rappelle
un combat glorieux livré naguère aux Anglais par l’escadre française
commandée par l’amiral Linois.
Gibraltar, du côté de l’Est, est pour ainsi dire inaccessible ; aussi ne
s’est-on pas attaché à le fortifier dans cette partie. Quelques pièces de
canon seulement, placées sur un petit nombre de points plus foibles, suffisent
en effet pour prévenir un coup de main.
L’extrémité supérieure occidentale de la montagne, couverte de roches
bouleversées qui n’affectent aucun ordre, nourrit, dans les endroits les
plus escarpés, des singes du genre des magots. C’est la seule portion de
l’Europe qui soit habitée par ces animaux. On assure que le gouvernement
anglais a défendu de les détruire.
A mi-côte de la montagne et vers le Sud, se trouve une grotte remplie
de stalactites, dont les colonnes, exposées aux intempéries des saisons,
(1) On dit que Gibraltar est une corruption de Gibel-Tarif, nom que les Maures avoient
tonne à cette montagne. T a r if était un de leurs chefs; et c’est de ce même chef, ajoute-t-on,
lue Tariffa, ville qui n’est qu’à quelques lieues de Gibraltar, a aussi reçu son nom.
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